Des bijoux d’Égypte préhistorique façonnés dans une roche extraterrestrePerles The Meteoritical Society, 2013.CIMETIÈRE. Depuis leur découverte en 1911, des mystérieux objets d'ornement constituent une énigme pour les archéologues. Ces derniers ont été mis à jour dans
un cimetière de Gerzeh, à environ 70 kilomètres au sud de la ville du
Caire.
Le "A" rouge indique la position de la ville de Gerzeh, en Égypte.Dans ce cimetière, environ 281 tombes ont été mises au jour.
Certaines contenaient des matériaux rares et précieux(obsidienne,
ivoire, coquillages, un harpon en cuivre…), laissant supposer qu'elles appartenaient à d'anciens dignitaires de haut rang. Mais ce qui a le plus surpris les archéologues, c'est la découverte de sortes de perles de métal de forme tubulaire.
A gauche, différents objets découverts dans le cimetière de Gerzeh. On y voit des colliers de perles. La lettre X désigne le fragment étudié par des chercheurs britanniques. On retrouve ce fragment dans l'image de droite. La barre blanche indique l'échelle et correspond à 1 cm.ANACHRONISME. Durant de longues années, les archéologues se sont arrachés les cheveux pour comprendre comment des bijoux en fer avaient pu se retrouver dans des sépultures préhistoriques
datées d’environ 3300 ans avant J.C..
En effet, on estime que le travail du fer en Égypte antique ne s'est répandu qu'entre -1000 et -600 ans avant J.C.. Autrement dit, c'est un peu comme si on avait découvert une bague en plastique dans une tombe gauloise.Aussi, l'une des premières hypothèses proposées au moment de la découverte a été que ce métal proviendrait d'une météorite ferreuse tombée sur
Terre. Hypothèse corroborée en 1928 par une étude de la quantité de nickel présent dans l'échantillon (estimée à 7,5 %).
Or, après le fer, le nickel est le métal que l’on trouve en quantité la plus importante dans les météorites. Ce qui suggère une origine extraterrestre de la matière première ayant servi à fabriquer ces objets. Tombé du ciel, l'objet aurait été alors récupéré par des artisans qui l'auraient martelé en forme de galette avant de la replier sur elle même pour lui donner sa forme finale.
Hypothèse contradictoireToutefois, des études ultérieures sont venues remettre en cause la manière dont ces mesures avaient été effectuées. En 1995, l'analyse d'une écaille de métal qui commençait à se détacher à la surface de l'un de ces bijoux a conduit à des résultats très différents. Selon cette étude conduite par des chercheurs britanniques du Collège de Londres, le bijou ne contiendrait en fait que très peu de nickel (0,2%). L'hypothèse du matériau extraterrestre étant ainsi rendue caduque, les chercheurs supposèrent alors que le bijou avait en fait été façonné dans une
limonite.
Une limonite, une pierre riche en oxydes de fer.
FAUSSE PISTE. Un caillou ferreux naturellement coloré (dont la teinte varie du jaune au rouge) que l'on trouve sur Terre.
Ce matériau plus facile à fondre que le minerai de fer aurait pu être façonné par les ouvriers de l'époque, bien avant qu'un véritable artisanat du travail du fer ne voit le jour. Mais c'était sans compter sur le fait que ces derniers résultats auraient pu être faussés. En effet, durant leur exposition au musée Pétrie de Londres, ces pièces ont subi un traitement de surface afin de préserver leur durée de vie. Traitement qui aurait pu fausser l'analyse chimique de la composition du métal.
GÉOMÉTRIE. Aussi, fort de techniques de spectroscopie et de rayons X permettant d'analyser l'intérieur du bijou sans le détruire, une équipe de chercheurs britanniques s'est lancée dans une nouvelle analyse de ces étranges perles, afin de percer le mystère de leurs origines.
Une structure caractéristique des météoritesLeur étude a été publiée le 20 mai dans la revue
Meteoritics & Planetary Science y apporte une réponse claire à cette question. Les perles ont bien été façonnées dans des météorites. En effet, leur étude montre un taux de nickel de près de 30% dans l'échantillon.
Mais en plus, l’équipe a remarqué dans le bijou une formation particulière appelée figures ou structures de Widmanstätten (du nom du chimiste allemand à l'origine de leur découverte au XIXe siècle).
Les structures de Widmanstätten à la surface d'une coupe transversale de météorite.INCROYABLE VALEUR. Or, on ne retrouve ces structures en
lamelles géométriques que dans les météorites riches en fer et en
nickel. Selon cette étude, il n'y a donc plus de doute possible :
les
bijoux retrouvés dans les tombes ont bien été sculptés dans une
météorite. Et ils ne constituent donc pas une preuve que les Égyptiens maîtrisaient le travail du fer durant l'époque préhistorique.
Un cadeau des dieux"28 objets en fer riches en nickel de l'Égypte antique ont ainsi été identifiés dans des tombes, expliquent les chercheurs dans leur étude. Durant cette période, le fer semblait exclusivement réservé
pour les biens de très haute valeur, ce qui leur donnait une importance toute particulière". "En ces temps anciens, certains matériaux étaient liés aux dieux" affirment les chercheurs. Les historiens grecs du 1er siècle,
Diodore de Sicile et
Plutarque,
qui ont laissé de précieux documents sur l'Égypte antique, parlent du fer comme de la chair des dieux. Ils évoquent les "os de fer de Seth", l'une des divinités égyptiennes, précisent-il.
La rareté de ce matériau laisse donc à penser que de tels bijoux étaient sans doute considérés comme des cadeaux des dieux, réservés par conséquent aux plus hauts personnages
de la civilisation Égyptienne de l’époque.Erwan Lecomte
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