Sciences & Espace : Du nouveau sur l'atmosphère des naines brunesPar Laurent Sacco, Futura-Sciences
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Ce graphique montre les variations de luminosité de la naine brune nommée 2MASSJ22282889-431026 mesurées simultanément par Hubble et Spitzer. Comme l'astre tourne sur lui-même en 1,4 heure, sa luminosité varie périodiquement. De façon surprenante, cette variation de luminosité diffère selon la longueur d'onde observée (toujours dans l'infrarouge). Comme Spitzer et Hubble sondent ainsi différentes couches de l'atmosphère de la naine brune, ces déphasages indiquent des
formations nuageuses complexes ou des conditions météorologiques qui changent avec l'altitude.
Ni vraiment des étoiles, ni des planètes, les naines brunes sont en quelque sorte intermédiaires entre ces astres. En combinant des observations de Spitzer et de Hubble,
un groupe d’astronomes vient de faire progresser les connaissances portant sur la météorologie des ces objets, que l’on présente parfois comme des étoiles ratées.Le terme
« naine brune » a été inventé en 1975 par
Jill Tarter, une exobiologiste bien connue qui est l'une des figures de proue de
Seti. Il désigne un astre trop massif pour être une planète, mais pas assez pour être considéré comme une étoile. Le seuil de masse qui fait passer une
géante gazeuse du rang de planète à celui d’étoile « ratée », comme on désigne parfois une
naine brune, n’est pas accepté par tous.
Il est certain, en revanche, que les naines brunes ne sont pas le lieu de réactions thermonucléaires, comme celles du
cycle de Bethe-Weizsäcker, tout au plus et très transitoirement celle de fusion du deutérium.
En général, on considère qu'une naine brune doit avoir une masse supérieure à 13 fois celle de
Jupiter (ce qui est la masse minimale au-delà de laquelle un astre peut brûler du deutérium) et inférieure à 0,07 masse solaire, c'est-à-dire celle au-dessus de laquelle les réactions de fusion thermonucléaire habituelles dans les étoiles peuvent s'enclencher durablement.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une vue d'artiste de la naine brune
2MASSJ22282889-431026. Ce n'est pas une planète, même si on pense qu'elle partage des points communs avec des géantes gazeuses comme Jupiter. Elle tourne sur elle-même en 1,4 heure et des nuages de la taille de la Terre circulent sous l'action des vents.Bien que prédite par les théoriciens de l’
astrophysique dès les années 1960, l’existence de ces astres n’a été confirmée qu’à la fin des années 1980. Aujourd’hui, on en est à dresser des cartes météorologiques de certains d’entre eux, comme des astronomes viennent de le prouver dans un article déposé sur
arxiv.Des nuages avec des gouttelettes de ferOn s’était déjà servi de
Hubble et
Spitzer pour étudier la structure et la composition des
atmosphères de certaines
exoplanètes. L'objet découvert à l'aide de
2MASS (
Two Micron All Sky Survey) et qui a été dénommé
2MASSJ22282889-431026 est, lui,
une naine brune de type T. Elle fait donc partie des
naines brunes les plus froides et dont l’atmosphère possède des caractéristiques qui la rendent
particulièrement proche de celle de certaines classes de géantes
gazeuses.
Les observations concernant
2MASSJ22282889-431026, réalisées à l’aide de
Hubble et
Spitzer dans
l’infrarouge à différentes longueurs d’onde, ont permis de dresser la carte
météorologique d’une naine brune la plus détaillée à ce jour. Des
informations sur la structure en 3D de cet astre ont même été obtenues.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La vision infrarouge de Hubble pénètre plus en profondeur
que celle de Spitzer. Les astrophysiciens ont ainsi découvert la présence de deux couches nuageuses différentes dans l’atmosphère de la naine brune 2MASSJ22282889-431026.La température moyenne de l’atmosphère de cette
naine brune de type T est élevée par rapport aux critères terrestres et à
ceux des géantes du
Système solaire. On estime qu’elle est en moyenne comprise entre 600 et 700 °C, ce qui veut dire qu’il peut tout de même exister des gouttelettes de fer en fusion dans certains de ses nuages. Une autre particularité est que
contrairement à ceux composés d’eau sur
Terre et d’ammoniac sur
Jupiter, on y trouve aussi des grains de
sable chauds.
Des fenêtres sur la structure des exoplanètes gazeusesComme
Hubble et
Spitzer font des observations dans
l’infrarouge à des longueurs d’onde différentes, ils voient différentes structures à différentes altitudes. Certaines font penser à des versions géantes de la fameuse
Grande Tache rouge de
Jupiter.
Remarquablement, la
luminosité dans l’infrarouge de la naine brune oscille différemment dans le temps selon la longueur d’onde étudiée, ce qui montre bien la présence de couches atmosphériques, puisque les observations faites par
Spitzer et
Hubble ne sondent pas la naine aussi profondément l’une que l’autre.
Cette étude n’est qu’un prélude : bien d’autres naines brunes proches du Système solaire vont être étudiées de cette
façon à l’aide de Spitzer et Hubble dans les années à venir. On sait qu’il en existe des dizaines au moins dans un rayon de 30
années-lumière autour du
Soleil. Comme on peut étudier leur atmosphère plus facilement que celle des exoplanètes gazeuses, avec lesquelles les naines brunes partagent des points communs, il s’agit donc de bons
laboratoires pour affûter des modèles.
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