Cinéma : trois des plus grands films que vous ne verrez jamais ! Par Aurélie Champagne
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le.cricket Admin
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Sujet: Cinéma : trois des plus grands films que vous ne verrez jamais ! Par Aurélie Champagne Sam 16 Nov - 20:35
Cinéma : trois des plus grands films que vous ne verrez jamais !
Trop chers, trop flous, trop de noirceur... ces rocambolesques projets de film sont tombés à l’eau. Tout en fertilisant d’autres projets réussis.
Ces jours-ci sort en librairie un livre passionnant et évidemment truffé d’anecdotes sur « Les plus grands films que vous ne verrez jamais » (Ed. Dunot). L’ouvrage de Simon Braund passe en revue les plus connus mais aussi les plus singuliers projets de films abandonnés en cours de route, pour toute sorte de raison : financière, politique, narcissique...
« Les plus grands films que vous ne verrez jamais » de Simon Braund
Parmi les plus connus, on a souvent en tête « L’enfer » de Clouzot, ou le « Napoléon » de Kubrick, tenu comme la « Rolls des films non réalisés » (en mars dernier, Spielberg annonçait toutefois son ambition d’en reprendre le scénario pour le développer en mini-série). C’est sans doute là un des angles les plus passionnants du livre de Simon Braund : observer comment l’échec ou l’abandon d’un film n’est pas un cul-de-sac, mais inspire et infléchit les films suivants, que ce soit ceux des réalisateurs eux-mêmes ou ceux d’autres créateurs.
Voici l’histoire de trois de ces chefs d’œuvres
1 - « Dune » d’Alejandro Jodorowsky
Trop cher, trop fou...
Dans la catégorie des films jamais tournés, c’est sans doute le plus grand de l’histoire du cinéma. Un documentaire récent, « Jodorowsky’s Dune », en retrace d’ailleurs tout le rocambolesque et le casting ahurissant de cette production avortée (le magazine Mad Movies de juillet-août 2013 consacre aussi de belles pages au film). En 1974, Alejandro Jodorowsky détient les droits du best-seller de Franck Herbert, « Dune ». Le réalisateur d’« El Topo » voue au livre une passion mystique et a l’ambition de créer des « hallucinations naturelles » et « quelque chose de baroque et d’organique » en l’adaptant au cinéma.
Son producteur, Michel Seydoux, jeune millionnaire de 26 ans qui vient de distribuer « La Montagne sacrée », a acquis les droits de « Dune » sans même l’avoir lu. Mais Hollywood montre peu d’intérêt pour le projet, jugeant le film « impossible à réaliser » et « la SF, un genre en déclin depuis “2001, L’Odyssée de l’espace” » de Kubrick, sorti en 1968. Jodorowsky ne se démonte pas et contacte Dan O’Bannon, le scénariste de « L’Etoile noire » de Carpenter, qui lui demande de « storyboarder » certains passages :
Citation :
« Comme il ne savait pas bien ce qu’était un storyboard, je lui ai expliqué et ça l’a tellement emballé qu’il a décidé de faire celui de tout le film plan par plan. »
Orson Welles et les Pink Floyd
Jodorowsky se tourne vers Moebius, alias Jean Giraud, qui réalise 3 000 dessins splendides :
Citation :
« Grâce à son talent, le script de Dune est un chef-d’œuvre. On dirait que les personnages sont vivants, on suit les mouvements de la caméra ; on visualise le montage, les décors, les costumes. »
Un dessin de Mœbius pour Dune (Capture).
Jodorowsky fait aussi appel à Chris Foss et à H.R. Giger et leur laisse carte blanche pour développer des univers graphiques renversants. Pour la musique, Jodorowsky contacte les Pink Floyd, qui viennent de sortir « Dark side of the moon » et ont collaboré dans le passé avec Barbet Schroeder (dans « More » et « La Vallée ») et Antonioni (dans « Zabriskie Point »).
David Carradine au début des années 70, dans la série Kung Fu (Wikimedias commons)
Pour la distribution, Orson Welles est pressenti pour jouer le rôle du Baron Harkonnen, David Carradine pour le Dr Kynes et Charlotte Rampling dans le rôle de Lady Jessica.
Pour le personnage clef de l’empereur Shaddam Corrino IV, dont il a modifié le rôle par rapport au roman, Jodorowsky rêve de faire tourner Salvador Dali : la légende raconte que face aux sept jours de tournage proposés, Dali aurait exigé – « n’étant pas moins que dieu » – une rémunération de 100 000 dollars de l’heure. Passé le cabotinage, Dali finit par entendre raison et accepte.
Mais en 1976, Frank Herbert débarque à Paris. Jodorowsky a déjà dépensé 2 millions de dollars « et ce qui devait être un film de 180 minutes dépassera les 14 heures » ! Entre temps, Dali a déclaré son soutien à Franco – ça passe plutôt mal aux yeux de Jodorowsky, dont le Chili natal est sous la coupe de Pinochet. Herbert renonce à financer le projet. Les financiers se rétractent. Malgré ça, en aucun cas, pour Moebius« “Dune” n’a été un échec. »
Citation :
« Le film n’a jamais été réalisé, c’est tout. La préparation a été un moment merveilleux. Nous étions tous euphoriques. Le film demeure ce qu’il devait être : un mirage... »
Par la suite, Dan O’Bannon poursuit d’ailleurs sa collaboration avec Giger sur le futur « Alien » de Ridley Scott (1979). De leur côté, Jodorowsky et Moebius imaginent une des plus grandes séries SF en bande dessinée, « L’Incal ». En 1984, David Lynch parvient à adapter « Dune » avec un budget de 40 millions de dollars. A sa sortie, les critiques taillent le film en pièces. Sincère à défaut d’être sport, Jodorowsky conclut :
Citation :
« Ça m’a tellement fait plaisir que ce film soit si mauvais ! Du coup, je revivais ! Parce que si Lynch avait réussi “Dune” comme ses autres films, je n’aurais pas survécu. »
2 « The Texans » de Sam Peckinpah
Trop de coke et de paranoïa
On doit à Sam Peckinpah des chefs-d’œuvre comme « La horde sauvage » (1968), « Les Chiens de paille » (1971) ou « Pat Garrett et Billy le Kid » (1973). En 1981, le réalisateur s’est grillé avec pas mal de monde, est devenu alcoolique et cocaïnomane et s’est retiré dans une cabane paumée du Montana. Les conditions effarantes dans lesquelles s’est tourné son dernier road-movie « Le Convoi » sont dans tous les esprits (bagarres, beuveries, mauvaises critiques, budget explosé). On lui en a d’ailleurs confisqué le montage.
Parmi les projets inaboutis qui ponctuent la fin de vie de Sam Peckinpah figure « The Texans ». Il a accepté la réalisation du film à condition de pouvoir réécrire le scénario. A l’époque, il passe sa vie en peignoir dans un hôtel dont il occupe un étage entier et oscille entre bouteille et parano. Sa paranoïa est telle qu’il prend son pacemaker pour une bombe que la CIA pourrait faire exploser à distance, à chaque instant, raconte Simon Braund.Sam Peckinpah finit écrire l’histoire de Jace Tranton, « président vieillissant d’une compagnie pétrolière qui nourrit le rêve de conduire un troupeau le long d’une sentier de transhumance, du Texas au Kansas ».
Mais le scénario de 250 pages comporte aux yeux du producteur de Peckinpah d’immenses longueurs et la durée du film est estimée à cinq heures. Au passage, Peckinpah y règle quelques comptes avec le milieu du cinéma.
Malgré l’insistance de son producteur, il refuse catégoriquement de reprendre son scénario et essuie finalement une rupture de contrat. Il tourne son dernier film deux ans plus tard, « Osterman Weekend » et meurt l’année d’après.
3 - « Black Hole » de David Fincher
Trop de noirceur (mais encore un peu d’espoir)
Le roman graphique sombre et poisseux de Charles Burns compte parmi les chefs-d’œuvre de la BD. « Black Hole » dresse le portrait en noir et blanc d’une génération d’ados mélancoliques atteints d’un mystérieux syndrome de mutation, transmis sexuellement.
Extrait de « Black Hole » de Charles Burns (Charles Burns/Delcourt)
Plusieurs réalisateurs se sont cassés les dents sur son adaptation. Le premier étant Alexandre Aja (fils d’Alexandre Arcady), pourtant épaulé par deux scénaristes de taille : le Canadien Roger Avary, coscénariste de « Pulp Fiction » et le scénariste et auteur de BD Neil Gaiman. Quand Alexandre Aja lâche le projet en 2008, David Fincher prend la relève. Mais la manière de travailler de Fincher – « faire dix versions, écrire et réécrire constamment » – sied peu aux scénaristes.
Kristen Stewart
Pour le rôle principal, Fincher envisage Kirsten Stewart, qui a joué dans son « Panic Room » six ans plus tôt. Fincher, lui, vient de remporter un succès critique avec « Zodiac », mais l’échec commercial de son tout dernier « Benjamin Button » n’inspire pas la confiance des financiers, malgré treize nominations aux Oscars. Le projet prend l’eau, mais en 2010 apparait sur le Web un court-métrage (à voir en intégralité ci-dessus) de Rupert Sanders (« Blanche-neige et le Chasseur » avec la même Kristen Stewart) : il confie l’avoir tourné avec un petit budget et sur propre argent, dans l’espoir d’intéresser un producteur.
Capture d’écran du court-métrage de Rupert Sanders (Voir le court-métrage en intégralité)
« C’est si génial que ce serait vraiment un bon film »
Mais en 2011, le projet de Fincher bouge encore, et le réalisateur glisse malicieusement dans une interview qu’il travaille sur un nouveau scénario :
Citation :
« Le scénario de Dante Harper est vraiment très bon, donc j’espère que ça va marcher. C’est tellement bizarre. C’est si génial que ce serait vraiment un bon film. C’est très solide ... Le maquillage FX et les effets spéciaux numériques sont très onéreux et il faut faire les choses bien, parce qu’il faut bousculer l’idée qu’on se fait du corps humain. »
Au moment où il conclut « Les plus grands films que vous ne verrez jamais », Simon Braund semble résigné à mettre le projet d’adaptation au rencard... Mais une toute récente interview du Hollywood Reporter fait figure d’ultime coup de théâtre : Brad Pitt déclare son intention de produire le film avec sa maison de production, la bien-nommée « Plan B ». Il est donc encore permis d’espérer. D’autant que « Si Fincher a bien une qualité », conclut Simon Braund, « c’est bien la détermination ».
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