Tara Pacific 2016-2018 : sur la piste des secrets du corail ! Par Sylvie Rouat
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dunemars1 Admin
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Sujet: Tara Pacific 2016-2018 : sur la piste des secrets du corail ! Par Sylvie Rouat Dim 29 Mai - 18:27
Tara Pacific 2016-2018 : sur la piste des secrets du corail !
La goélette Tara part le 28 mai de Lorient pour parcourir durant 2 ans l'océan Pacifique afin d'étudier les récifs coralliens, aujourd'hui menacés de disparition, alors que 500 millions de personnes en sont directement dépendants.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Grande barrière de corail. écosystèmes
MISSION.Entièrement reliftée dans les chantiers de Lorient, la goélette Tara reprend la mer pour une nouvelle aventure scientifique. Le 28 mai 2016, à 18h50, elle quittera son port d’attache de Lorient pour rejoindre d'abord l'île de Groix où elle recevra la bénédiction du Diacre. Elle repartira ensuite pour l’océan Pacifique, que Tara sillonnera durant plus de deux ans, sur près de 100.000 km. Après avoir engrangé lors de sa précédente mission la plus grande moisson de données sur le plancton jamais réalisée, les 70 scientifiques qui vont se relayer à bord s’intéresseront cette fois aux récifs coralliens. D’est en ouest et du sud au nord, Tara parcourra l’océan Pacifique, où se concentre plus de 40 % des récifs coralliens de la planète, pour mieux comprendre leur fonctionnement et leur évolution face aux changements climatiques et aux pressions anthropiques. Du canal de Panama à l’archipel du Japon (2016-2017), puis de la Nouvelle Zélande jusqu’en Chine (2017-2018), la goélette croisera 11 fuseaux horaires à travers l’océan le plus vaste de la planète, joignant notamment les terres insulaires et les récifs les plus isolés de la planète et fera escale dans 30 pays.
Les récifs coralliens sont en effet d’importance. Car s’ils représentent moins de et 0,2% de la superficie des océans, soit 300 000 km2, ils abritent en revanche près de 30% de la biodiversité marine connue. Pour Serge Planes, directeur de recherche au Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement et directeur scientifique de l’expédition, « les récifs coralliens sont de fait la plus grande bio-construction de notre planète : 1 seul km2 de récifs coralliens rassemble l’équivalent de toute la biodiversité des côtes françaises. » La France comprend ainsi 5 % des récifs coralliens de la planète via la grande barrière de corail de la Nouvelle-Calédonie qui fait 1600 km de long et ses 24 000 km2 de lagon notamment en Polynésie française. La santé de ces récifs est donc cruciale pour la diversité des espèces qu’ils abritent mais aussi pour les humains. « Leurs services écosystémiques sont estimés à 30 milliards de dollars par an, souligne Serge Planes. 500 millions de personnes en sont directement dépendantes, soit 8% de la population et environ 1 milliard de personnes vivent à moins de 100 km d’un récif corallien. » Les récifs coralliens protègent en effet les côtes de l’érosion, offrent via les lagons des ports sûrs et sont de véritables viviers de nourriture.
Mais ces dernières années, une grande partie des récifs coralliens a commencé à disparaître, en partie à cause des activités humaines. « On considère aujourd’hui que 20% des récifs coralliens ont déjà été détruits, 15% sont menacés d’ici à 10 ans et 15 % à 40 ans », constate Serge Planes. Ces écosystèmes sont en effet confrontés au changement climatique qui va entraîner une augmentation du niveau marin, une acidification de l’océan et l’augmentation des températures. La plupart des coraux ont en effet besoin de vivre près de la surface pour bénéficier de la lumière solaire. Or l’accrétion d’un récif est de 1 à 4 mm/an, alors que l’on estime l’augmentation du niveau marin de 6 à 9 mm par an. Les océans, en absorbant le CO2 atmosphérique s’acidifie. Hélas, seules quelques espèces tolèrent cette acidification, ce qui signifie que de nombreuses espèces sont condamnées à disparaître.
Corail stressé
Enfin, quand la température de l’océan augmente, ne serait-ce que de 0,5 à 1°C, le corail stressé expulse les zooxanthelle, algues avec lesquelles elles vivent en symbiose et qui leur fournissent, via la photosynthèse, leurs nutriments. Cela se traduit par le blanchissement corallien. Si les zooxanthelles peuvent survivre librement dans l’océan et éventuellement revenir coloniser le corail si le réchauffement est de courte durée, le corail, lui, ne peut survivre longtemps à ce divorce. Ainsi, 1998 a connu un épisode El Nino important qui a réchauffé longuement les eaux du Pacifique. Cette année là, 18% des coraux mondiaux ont disparu en seulement 6 mois ! Par comparaison : 18% de l’Amazonie a également disparu, mais en l’espace de 50 ans… Or l’épisode El Nino de 2016 s’annonce plus sévère encore que celui de 1998. La mission Tara pourra mesurer sur place l’étendue du désastre prévisible…
Il est donc urgent d’étudier ces écosystèmes encore bien mal connus. « Aujourd’hui, on compte quelques 1400 espèces décrites, qui présentent une grande diversité de formes », note Denis Allemand, directeur du Centre scientifique de Monaco. « On sait depuis peu que nous avons avec les coraux un ancêtre commun, qui remonte à il y a 600 millions d’années. Le corail est tout aussi évolué que les autres animaux : Son génome est tout aussi complexe que le nôtre ! » Le corail est en effet un organisme complexe, composé d’un squelette sur lequel vit une colonie de nombreux organismes. Au premier rang, il y a bien sûr les zooxanthelles, ces microalgues qui donnent aux coraux leurs splendides couleurs, mais qui surtout produisent des sucres dont 95 à 99% sont transférés au corail, recyclent les déchets azotés et protègent l’hôte des coups de soleil en produisant des molécules anti-UV. Mais il faut compter aussi avec les bactéries, champignons, protistes et autres virus dont on ne connaît pas les rôles.« Le corail, c’est en définitive un holobionte, relève Denis Allemand, soit un organisme composé de tous ses hôtes, un genre d’hybride mi-animal mi-végétal. »
Une approche transversale
Le caractère unique de l’expédition Tara Pacifique consiste en son approche transversale d’une zone géographique très étendue, ce qui n’avait encore jamais été réalisée à cette échelle. L’objectif est d’avoir une vision intégrée des récifs dans les océans. C’est la première étude multidisciplinaire prenant en compte le corail dans son milieu et les interactions avec la haute mer. La biodiversité d’un récif sera analysée avec des outils variés : génomique, génétique des populations, biochimie, océanographie etc. Le but est de se faire une idée réelle de la diversité globale d’une colonie corallienne et des « relations sociales » qui y sont établies. L’expédition Tara Pacific traversera un très large gradient de biodiversité qui atteindra son maximum au « Triangle de corail » en Asie du Sud-Est. Au cours de l’expédition, quarante archipels seront étudiés de façon identique pour appréhender les variations de la biodiversité à travers trois espèces récifales : deux coraux et un petit invertébré de la famille des hydraires. Par une approche comparative et interdisciplinaire, les scientifiques tenteront de remonter dans le passé récent des colonies coralliennes, d’observer l’évolution contemporaine des récifs et d’en envisager le futur, notamment à travers des modélisations. De plus, sachant que le squelette du corail garde la mémoire des événements passés, les scientifiques vont procéder à des carottages, qui permettront de remonter le temps et de découvrir les variations océaniques auxquelles ont déjà été soumis les récifs coralliens. Le plus vieux massif corallien connu a ainsi fêté ses 4265 ans. Cette longévité extrême intrigue les scientifiques qui vont s’intéresser à leurs télomères, cette partie de l’ADN qui protège les chromosomes. Ces télomères se réduisent au cours de la vie d’autant plus vite qu’un individu est soumis au stress. "Il semble que les coraux ont des capacités régénératives importantes. Pourquoi ? s’interroge Denis Allemand, co-directeur de l’expédition. Si nous arrivons à le comprendre, cela pourrait nous aider à comprendre notre propre vieillissement." Outre l’état de santé du récif et sa biodiversité à différents niveaux, l’équipe scientifique s’intéressera aux capacités de résistance, d’adaptation et de résilience de ces écosystèmes. Un dernier axe d’étude portera sur les éventuelles applications de la biologie corallienne pour la recherche médicale.
Une nouvelle fois Tara Pacifique va faire la démonstration que les grandes missions océanographiques connaissent aujourd’hui un renouveau. « Cela fait 13 ans que l’on a repris ce bateau, se remémore Etienne Bourgois, président de la nouvelle Fondation Tara. Au-début c’était une histoire de famille, avec ma mère Agnès B et mon neveu Romain Troublé. On ne pouvait pas imaginer faire autant de choses avec cette goélette polaire, transformée peu à peu par les hommes et les femmes qui s’engagent pour mener à bien ces missions très longues, que ce soit dans l’Arctique ou autour du monde comme pour la mission Tara-Océans. Cela n’est pas possible avec de grands navires océanographiques qui coûtent entre 30.000 à 50.000 euros par jour. Aujourd’hui, nous avons offert le bateau a la fondation Tara pour que l’aventure scientifique océanographique de ce bateau devienne pérenne. »
Etapes majeures : Panama, Malpelo (Colombie), Ile de Pâques, Papeete (Polynésie Française), Iles Cook, Samoa, Wallis et Futuna, Iles Marshall, Micronésie, Mariannes, Japon, Taïwan, Fidji, Nouvelle Zélande, Nouvelle Calédonie, Papouasie Nouvelle Guinée, Philippines, Chine, Hong Kong, Corée du Sud
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Tara Pacific 2016-2018 : sur la piste des secrets du corail ! Par Sylvie Rouat