Le charbon de bois ruine et enrichit la Somalie Le charbon de bois est la dernière ressource de Hassan Hussein, jeune Somalien qui doit nourrir toute sa famille. Massivement utilisé pour cuisiner, il finance aussi
l'effort de guerre des islamistes al-shebab. Le pays est menacé d'une déforestation massive.Hassan Hussein coupe quarante arbres par mois pour les transformer en charbon. Il est parfaitement conscient des dommages qu'il cause à son environnement, mais c'est la dernière ressource qui reste à cet éleveur de 27 ans, privé de bétail.
Son village de
Jalelo, au nord de la
Somalie, était autrefois au coeur de la savane.
« J'étais un éleveur, j'ai perdu mon troupeau à cause des sécheresses et des maladies, et je suis l'aîné de la famille », avec dix bouches à nourrir, ses deux enfants, ses sept frères et soeurs et sa mère. Il y a quatre ans,
Hassan Hussein avait vingt-cinq chameaux et trois cents chèvres ; il lui en reste respectivement trois et quinze.
Des revenus pour les islamistesAlors, une hache artisanale à l'épaule, il part chaque matin couper du bois, le brûler pendant deux jours, le faire sécher pendant deux autres, avant de le revendre pour l'équivalent de six dollars le sac de vingt kilos. Le charbon de bois est la seule façon de faire la cuisine, l'électricité étant rare et hors de prix.
En
Somalie, des centaines de milliers de nomades, la majorité de la population, font de même chaque jour, au risque de transformer bientôt en désert des pans entiers de ce pays déjà aride de
la Corne de l'Afrique.
« 20 % des forêts ont disparu en dix ans. Le pays se transforme de toute évidence en désert », déplore
Ahmed Derie Elmi, directeur des forêts au ministère de
l'Environnement du
Somaliland, l'entité du nord de la
Somalie qui a proclamé son indépendance depuis 1991 et compte 3,8 millions d'habitants.
« Si la déforestation continue à ce rythme, la Somalie sera un désert dans vingt ou trente ans », renchérit
Ahmed Ibrahim Awale, directeur de l'organisation non
gouvernementale Candlelight, qui fait autorité au
Somaliland en matière d'environnement et de santé.
Financer la guerreDans le sud du pays, le commerce de charbon de bois a permis aux
miliciens islamistes al-shebab de financer leur guerre contre le gouvernement central. Du port de
Kismayo, un port qui n'a jamais été soumis à un blocus naval avant sa chute fin septembre aux mains des Kenyans,
près de 300 000 tonnes de
charbon de bois ont pris annuellement la mer.Ces exportations massives à destination de l'
Arabie Saoudite et des
Émirats Arabes Unis leur ont rapporté au moins 25 millions de dollars chaque année. Ce qui constituait, avec le trafic de qat, l'une des principales sources de revenus des islamistes.
Une des premières mesures du président nouvellement élu de
Somalie,
Hassan Cheikh Mohamoud, a bien été de confirmer l'interdiction de toute exportation de charbon de bois, décrétée par l'Onu en février. Mais le commerce, lucratif, a seulement changé de mains et l'abattage des arbres se poursuit.
Avec Boris BACHORZ (AFP).
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