Les fourmis de feu sont invasives. Elles sont arrivées aux États-Unis, au port de Mobile, dans les années 1930. Depuis, elles ont continué leur colonisation de la planète, et sont notamment parvenues en Australie en 2001.
Les fourmis de feu sont des as en matière de construction de galeries souterraines. Pour percer leurs secrets, des chercheurs les ont observées en train d’en creuser, en laboratoire. Surprise, tous les tunnels verticaux ont un même diamètre qui ne doit rien au hasard : il permet à ces insectes de se rétablir rapidement en cas de chute, y compris à l’aide des antennes s’il le faut !
Pour mieux comprendre comment des robots pourraient évoluer sous terre avec agilité et rapidité, des chercheurs ont eu l’idée d’observer des fourmis de feu (Solenopsis invicta). Originaires d’Amérique du Sud, ces insectes dont la piqûre est douloureuse ont depuis huit décennies colonisé le sud des États-Unis, où ils créent parfois de sérieux problèmes. On remarque notamment leur présence grâce aux tumulus qu’ils laissent en surface, et qui sont en réalité composés de toutes les terres excavées durant la construction de galeries souterraines.
Les fourmis de feu ne construisent pas leurs galeries souterraines verticales au hasard. En effet, leur diamètre doit permettre aux insectes de se rétablir en cas de chute. Pour ce faire, il ne peut dépasser 1,31 fois la longueur des fourmis (qui font 3,5 mm de long).
Dans cette vidéo, des chutes de fourmis sont provoquées dans des tubes de différents diamètres. Il n’y a que l’individu situé dans le cylindre le plus à droite (8 mm de diamètre ; « perturbation 3 » dans la séquence) qui va tomber jusqu’en bas après le choc lui ayant fait perdre pied.
Pour éviter d’avoir à pénétrer dans l’un de ces monticules, au risque de se faire attaquer en masse par les fourmis, des chercheurs du Georgia Institute of Technologyont plutôt décidé de prélever quelques individus et de les faire creuser sous la lentille d’une caméra. Des Solenopsis invicta ont donc été placées dans des tubes transparents remplis d’un sol artificiel fait de billes de taille identique, et ce pour une période de 20 h. Cette expérience a été répétée des dizaines de fois, mais avec des grains de taille différente (de 50 à 600 µm) ou un taux d’humidité variable (de 1 à 20 %).
Les tunnels ont ensuite été étudiés à l’aide d’un CT-scan pour connaître leur structure tridimensionnelle précise. Les résultats publiés dans la revue Pnas par Nick Gravish sont sans appel : les galeries sont faites de manière à faciliter les déplacements, tout en limitant les risques de chute et le recours à des contrôles neuronaux complexes. Elles ont donc toutes le même diamètre : 3,5 ± 0,5 mm. Il s’agit ni plus ni moins de la longueur des insectes ! En revanche, la profondeur des tunnels a varié selon les conditions expérimentales (taille des grains et humidité).
Des antennes qui servent aussi à la locomotion
Pour comprendre l’importance de la largeur des tunnels dans la locomotion des fourmis de feu, les chercheurs en ont placé plusieurs dans un dispositif relié à des galeries en plastique de diamètre variable. Mais il y a une astuce : ces tubes étaient reliés à un piston, capable en un bref instant de les déplacer, au point de multiplier la force de pesanteur par 27 pour les êtres y évoluant. Immanquablement, cemouvement, à chaque fois, a fait tomber la moitié des fourmis qui se déplaçaient dans les tunnels.
C’est à ce moment précis que le diamètre des tubes prend toute son importance. S’il est inférieur à 1,31 ± 0,02 fois la longueur du corps des insectes, ceux-ci peuvent arrêter leur chute en quelques instants. Pour ce faire, ils étendent leurs pattes de manière à interagir de nouveau avec les parois. Plus étonnant, et ce serait du jamais vu auparavant, les fourmis utilisent également leurs antennes pour se rattraper, donc dans un contexte locomoteur. Ainsi, ces appendices ne servent pas qu’à percevoir l’environnement !
Quoi qu’il en soit, ce résultat démontre bien que le choix du diamètre des galeries creusées par les fourmis de feu, de précisément 1,06 ± 0,23 fois la longueur de leur corps, ne doit rien au hasard. Par ailleurs, cette dimension n’entraverait en rien la vitesse de déplacement des insectes lorsqu’ils se meuvent verticalement. Pour information, elle peut atteindre 9 longueurs de corps par seconde, soit 31,5 mm/s. Ainsi, un premier principe à suivre pour la conception des robots souterrains de demain a été trouvé : leurs galeries devront avoir un diamètre égal à leur longueur.
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En vidéo : les tunnels antichute des fourmis de feu ! Par Quentin Mauguit