Sans les astéroïdes, les océans seraient salés comme la mer Morte[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Sans les impacts de grands corps célestes pendant l'Hadéen, les océans de la Terre auraient peut-être tous été aussi salés que la mer Morte (à l’image).
En érodant l’atmosphère primitive de la Terre lors de sa formation par accrétion, les astéroïdes auraient fait chuter sa concentration en chlore. Cette diminution aurait empêché les océans de devenir aussi salés que la mer Morte.
L’humanité se prépare à exploiter les
astéroïdes. Si l’on en croit
Jean-Pierre Luminet, cette exploitation est inéluctable et certains suspectent que la survie de notre civilisation technologique, et surtout la poursuite de son développement, ne pourra pas se faire sans. Ces vestiges de la formation du
Système solaire joueraient alors, une fois de plus, un rôle clé dans l’évolution de la matière ayant mené du
Big Bang au vivant.
Certes, les astéroïdes peuvent être destructeurs, comme nous le rappelle le destin des
dinosaures. Mais si l’on en croit les travaux récemment publiés dans
Earth and Planetary Science Letters par deux cosmochimistes américains,
Zachary Sharp et
David Draper, ils ont rendu possible l'apparition des formes de
métazoaires dans les océans.
L'énigme du chlore manquant de la TerreAvant d’arriver à cette conclusion, les deux chercheurs ont tenté de percer une énigme cosmochimique liée à la naissance de la Terre. Tout indique que notre planète s’est formée par accrétion de petits corps célestes, dont la composition chimique est typique des
météorites que l’on appelle des
chondrites. On retrouve une composition moyenne similaire dans l’
atmosphère solaire, ce qui constitue un argument de plus pour affirmer que
la Terre et le
Soleil sont nés à partir d’un même nuage de gaz et de poussières, la
nébuleuse protosolaire.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une vue d'artiste de la formation de la Terre et de la Lune
par accrétion. De même que de grands impacts ont certainement projeté des roches en dehors de la Terre, ils ont dû éjecter une partie de son atmosphère pendant l'Hadéen.Or, la
Terre contient dix fois moins de chlore que ce qui était attendu, selon ce modèle de formation du Système solaire.
Où était donc passé le chlore manquant ? On pouvait penser qu’il avait été entraîné avec le
fer et le
nickel dans le cœur de la
Terre, au moment où celle-ci s’était différenciée en formant son
manteau et son
noyau.Pour tester cette hypothèse,
Sharp et Draper ont reproduit en laboratoire un mélange de
silicates et de
métal fondu à haute température et haute pression, de manière à simuler ce qui s’est passé à l’intérieur de notre planète pendant les premières dizaines de millions d’années de sa formation par différenciation, il y a plus de 4,5 milliards d’années. En ajoutant du chlore au mélange, ils
ont constaté que celui-ci migrait dans les silicates. On ne peut donc
pas expliquer l’énigme du chlore manquant en le faisant résider dans le
noyau de la Terre.
Une érosion atmosphérique causée par des impacts d’astéroïdesPour les deux chercheurs, il faut donc très probablement faire intervenir le phénomène de l’
érosion atmosphérique pour expliquer l’appauvrissement en chlore de la Terre. Ainsi, à l’occasion d’impacts d’astéroïdes géants, il y a plus de 4 milliards d’années, les ondes de choc thermiques et hydrodynamiques dans la jeune
atmosphère de la Terre auraient éjecté une partie de celle-ci, notamment celle contenant des gaz volatils comme le chlore.
Si tel n’avait pas été le cas, en raison de son caractère hydrophile, le chlore se serait finalement retrouvé en grande quantité dans les océans, conduisant à la formation massive de sel. Les deux chimistes affirment ainsi que la
salinité des océans de la planète aurait alors été d’environ 30 %, contre les 2 à 4 % actuels.
Une telle
salinité est presque identique à celle de la
mer Morte. Bien qu’elle contienne des
algues microscopiques, des
bactéries et des champignons microbiens en faibles quantités, la mer Morte porte à peu près bien son nom, car elle n’héberge ni plantes macroscopiques, ni
poissons.On peut donc raisonnablement penser que sans ces
impacts de corps célestes et le phénomène d’érosion atmosphérique en résultant, la vie sur notre planète n’aurait pas été très loin dans son évolution. Probablement comme d’autres exoplanètes, la Terre ressemblerait alors plus à une Arrakis dotée d’une exogéologie surprenante, qu’à notre planète bleue.Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]