Le Monde de la Mer :Trouvez les perles ! [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]A Tahiti, la grande nacre a toujours fait l’objet d’une exploitation commerciale : hier pour la production de boutons de vêtements, aujourd’hui pour celle de magnifiques perles noires…La Pinctada margaritifera est surnommée à tort huître perlière ou à lèvres noires. Perlière oui puisqu’elle fabrique la perle de Tahiti, seconde source de revenus en Polynésie Française. Huître non, elle n’appartient pas à la famille des ostréidés mais à celle des ptéridés.
Rapidement, les hommes sont tombés sous le charme des reflets irisés de sa coquille. Les Polynésiens l’ont utilisée pour concevoir des outils, puis l’ont intégrée aux costumes traditionnels auxquels ils ajoutaient des perles aux reflets mordorés qu’ils trouvaient exceptionnellement dans les nacres. Rareté qui entourait ces rondes merveilles de mystère et ensorcelait déjà les Occidentaux…
Un corps étranger dans l’huître
En 1761, Linné enfin élucide l’énigme : un corps étranger (grain de sable, etc.) pénètre à l’intérieur du bivalve qui, pour s’en protéger, le recouvre de couches successives d’aragonite (du carbonate de calcium également constituant de sa coquille). Ainsi, sans intervention humaine, une nacre sur 15000 contiendrait une perle fine !
Au début du XIXe siècle, les insulaires des Tuamotu, favorisés par la qualité des eaux de leurs lagons, se lancent dans la plonge (pêche à la nacre). Le produit est recherché, en particulier pour la conception de boutons de vêtements. Mais le marché est déjà bien occupé (Chine, Australie, Inde, Mexique)…
Et la plonge fait des victimes : côté pêcheurs qui travaillent en longues apnées, côté nacre aussi. La pression des campagnes de ramassage est telle que l’espèce frôle l’extinction. Elle est sauvée in extremis par des essais de collectage des naissains – les larves – au début du XXe siècle, et l’arrivée du bouton en polyester en 1956. C’est la fin de la plonge. A pareille époque, inspirés par le succès japonais, quelques audacieux (Jean Domard, les Rosenthal, etc.) se lancent un challenge, la commercialisation des perles.
Magie noire
Les Japonais l’ont réussi en développant la greffe sur l’huître akoya !
Dés 1904, Michimoto, Nishikawa et Mise sont les premiers à maîtriser cet art qui consiste à introduire un nucleus (bille fabriquée par un bivalve du Mississipi) et un greffon (portion de manteau vivant issue d’une autre nacre) à l’intérieur de la poche perlière d’une nacre. Celle-ci doit être âgée d’au moins 2 ans le jour où elle passe entre les mains du greffeur.
Avant cela, les perliculteurs la bichonnent, la protége de ses prédateurs et la sortent régulièrement de l’eau pour la nettoyer. Une fois greffée, il lui faudra au moins 1,5 an pour donner une perle, si elle ne meurt pas des suites de cette intervention ou qu’elle ne rejette pas le greffon. Sur 100 nacres greffées, seule une trentaine produiront des perles commercialisables…
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Les premiers essais sont notamment réalisés à Bora-Bora au début des années 60. L’environnement polynésien se révèle idéal pour l’épanouissement de la nacre et la récolte des perles. Du coup, le nombre de
fermes perlières explose 20 ans plus tard. Les aléas climatiques anéantiront certains pionniers, mais d’autres triompheront comme
Robert Wan, l’empereur de la perle de Tahiti. Celle-ci, officiellement reconnue
gemme par le
Gemological Institute of America, est propulsée au sommet de la joaillerie et du luxe.
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« Ma femme est une perle ! »
Mais avant de briller sous vos yeux, les perles subissent plusieurs tris. Seules celles qui répondent à des critères stricts peuvent être vendues (sous l’appellation ‘perles de culture de Tahiti’). Ainsi, d’un diamètre compris entre 10 et 13 mm, elles doivent obligatoirement comporter une épaisseur de nacre supérieure à 0,8 mm, condition vérifiée aux rayons X.
On en trouve des rondes, semi-rondes, en poire, boutons, semi-baroques et baroques. Leur lustre, aptitude à réfléchir la lumière, est essentiel et va de paire avec la qualité de leur surface, plus ou moins lisse, classée en catégorie (A, B, C, D). Enfin, la diversité de leurs teintes vous émerveillera : noires bien sûr, mais aussi bleues, vertes, jaunes, rouges, blanches, etc. De quoi souligner le plus naturellement du monde la beauté et la douceur de la féminité…
Perles et diamants
Le puzzle nacré de Francis Le Guen
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je vais vous faire une confidence : mon cœur est à moitié guyanais parce que ce pays sauvage m’a ouvert les yeux, que j’ai aimé sa dense forêt tropicale peuplée de bêtes extraordinaires, sa tortue luth qui a tout changé…
Et à moitié polynésien ! Pour Bora-Bora, perle du Pacifique ? Ile inoubliable oui, mais c’est à Mooréa que j’ai trouvé mon paradis. Aussi, sans jouer la vahiné (ce serait gonflé !), la Polynésie est l’une de mes références jusque dans mon vocabulaire de journaliste. D’où un échange emperlé avec l’ami Francis Le Guen à l’époque où il voulait un dossier sur les squales de Méditerranée pour le numéro 3 de Plongeur.com (à télécharger, l’été est là, Les Dents de La Mer aussi)…
« Il y a des requins chez nous, les gens l’ignorent ou croient à un mythe parce qu’ils ne voient pas ce qu’il y a sous la surface, il faut raconter ? Il a raison » avais-je pensé. Mais voilà qu’il me suggérait quelques sérieuses pistes d’enquête à la Sherlock Holmes : « merci, merci point trop n’en faut ! j’ai aussi besoin de chercher seule pour trouver quelques perles ». « Bon… », ma remarque semblait l’avoir étrangement amusé. Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi.
Trois ans plus tard soit, mais mieux vaut tard que jamais (me direz-vous le jour où ce sera enfin votre tour…). Blog, magazines, livre Narcoses, réseaux sociaux, par écrit, podcast, en photo ou en images de synthèse, partout ce perliculteur du Net en a « ventilées façon puzzle » ! Semées à la manière du Petit Poucet sur une carte aux trésors, même ses fractales sont des perles… A pêcher sur les murs numériques, façon art rupestre du XXIe siècle…