La dégradation des ressources marines[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les océans (étendue d'eau salée ininterrompue) et les mers, de par leur immensité, sont traditionnellement considérés comme une source de richesses inépuisable, jouant également un rôle majeur dans notre vie sociale et culturelle. Il existe plusieurs types de ressources marines disponibles : les fonds marins non biotiques tels que les minéraux, gaz ou encore hydrates et les ressources biotiques (tout ce qui est vivant), comme
les poissons, algues ou coquillages. L'exploitation de ces ressources est alors limitée par le niveau de développement technologique et la force des éléments naturels.
Aujourd'hui, les progrès technologiques et l’accroissement des populations côtières sont des pressions supplémentaires sur les ressources naturelles disponibles, en particulier dans les domaines de la pêche, du transport, de la navigation récréative et de l’exploitation du pétrole et du gaz.
Dans ce dossier, nous nous attarderons d'avantage sur la dégradation des ressources halieutiques (liées à l'activité de pêche) au niveau mondial, sur ses conséquences sur l'environnement naturel, sur l'environnement socio-économique et sur les stocks de poissons (sans oublier que les ressources non biotiques sont également victimes d'une surexploitation).[size=18]Le droit maritime et les ressources marines[/size]Les écosystèmes, les poissons et les pollutions, ne se conforment pas aux frontières administratives. C'est pourquoi la qualité des stocks de poissons dépend non seulement de la manière dont les pays réglementent la pêche dans leurs propres eaux, mais aussi des activités menées au-delà de leurs frontières. Les efforts mis en place par un pays en terme de conservation s'avèrent inutiles s'ils ne sont pas appuyés par des mesures coopératives à l'échelle mondiale.Le Droit de la Mer : un outil confronté à la réalité de terrainL'Océan mondial a une superficie de 361 220 420 km2, soit 70,8% de la surface du globe. Les frontières administratives existent sur terre comme en mer. C'est pourquoi les problèmes doivent être traités à l'échelle internationale.
Le droit maritime possède un certain nombre d'instruments internationaux, exécutifs ou non, en rapport avec la gestion des pêcheries : cela va de la
Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982)
au plan d'action du Sommet mondial sur le développement durable (2002),
en passant par des textes de l'ONU et de la FAO.Cependant, la réalité est beaucoup plus compliquée que la théorie du fait des différences culturelles entre les pays concernés. Les pressions politiques et économiques sont importantes pour protéger les intérêts et les règles s'avèrent difficiles à respecter sur le terrain. Néanmoins, l'existence de textes du droit de la mer international est une avancée même si l'application de certains est encore tributaire de la ratification d'accords ou de moratoires. L'évolution du droit de la mer est alors à suivre de près dans les années à venir, car sa progression est prometteuse.
Pour plus de renseignements sur les lois internationales qui régissent les pêcheries : l'Internet Guide to International Fisheries Law.La problématique des zones côtièresLes zones côtières sont des écosystèmes particuliers, générant une concurrence accrue et des conflits en matière d’espace. Toute activité a une incidence sur les autres : de la construction d'un port au mouillage de cages à poissons, ou encore l’installation de parcs éoliens, la moindre faille peut avoir des conséquences directes ou indirectes sur les ressources halieutiques. L'exemple des nourriceries de poissons victimes de la mauvaise qualité de l’eau aux alentours est évident. D'où l'intérêt d'une approche intégrée des activités maritimes pour prendre en considération tous les éléments potentiellement perturbateurs.
Les eaux internationalesCes espaces échappent à l'emprise de toute souveraineté et sont ouverts à toute circulation libre. Le plus souvent, les activités sont pacifiques mais des forages au large ou des accidents maritimes, en particulier dans
le cas des pétroliers, peuvent polluer la mer ou les côtes et affecter la faune et la flore irréversiblement.
En ce qui concerne l'exploitation des ressources, cette zone commençant au delà des 200 milles nautiques, possède une liberté de pêche. Une légère réglementation a toutefois été mise en place pour défendre un intérêt commun (commission internationale pour gérer les stocks) mais avec une contrainte d'une commission par mer ou océan pour faire face aux problèmes des bancs de poissons migrateurs chevauchant les zones.
La dégradation des ressources marines : la surpêcheLes différents types de pêche, leurs conséquences sur l'environnement et sur le stock de poissons[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image][Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La problématique des prises accessoires et des pêches illicites[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Plongeur libérant un poisson-lune pris dans un filet dérivantD'après les estimations,
la collecte d'espèces non visées représenterait environ le quart des captures mondiales de poissons. Ces espèces regroupent celles qui sont attrapées accidentellement mais non désirées ou qui doivent être rejetées conformément à la réglementation. Il peut s'agir d'espèces protégées, par exemple de mammifères marins, ou d'espèces menacées de disparition, de juvéniles trop petits pour être commercialisés ou d'autres espèces de poissons sans intérêt pour les pêcheurs, que ce soit sur le plan commercial ou sur celui des loisirs.
Les espèces pêchées accidentellement sont en général rejetées, souvent mortes, en mer ou sur les côtes. Diverses techniques de pêche sont alors responsables de la capture indifférenciée de poissons, d'où les prises accessoires d'espèces.Pour certaines espèces marines, telles les tortues de mer, une loi les protège. C'est pourquoi leur capture accessoire dans le cadre d'opérations de pêche industrielle, doit être ramenée à un niveau qui ne risque pas de compromettre leur survie.
Dans cette optique, des mesures ont été prises.
Prenons l'exemple des pêcheurs de crevettes aux États-Unis. Ils sont tenus d'équiper leurs filets de dispositifs d'exclusion des tortues, leur faisant perdre entre 5 % et 20 % de leurs crustacés. En effet, ces derniers passent à travers le trou aménagé. En ce qui concerne la pêche à l'espadon, les zones productives étant en interactions avec les zones de vie des tortues de mer, celles-ci sont donc interdites d'accès aux pêcheurs. Quant aux mammifères marins, ils sont protégés par une loi spéciale qui fixe la capture accidentelle de ces animaux par les pêcheurs industriels à un niveau proche de zéro, indépendamment du degré d'extinction de cette population.
Les pêches illicitesLa pêche non répertoriée et non réglementée est un problème qui ne préoccupait pas les gouvernements tant que le poisson abondait. Aujourd'hui, des quotas de pêche ont été instaurés pour renouveler les stocks de poisson sans imaginer que cela encouragerait les navires à pratiquer de plus en plus la pêche illicite. La plupart des poissons pêchés illégalement viennent des eaux de pays en voie de développement trop pauvres pour disposer de moyens de contrôle efficaces de leurs zones et de leurs navires, d'où un problème économique et d'accès à la nourriture des populations côtières. De plus, les bateaux pratiquant la pêche illicite ne se conforment pas aux quotas de pêches prévus pour les différentes espèces qui vivent dans leurs zones de pêche. Il y a donc un risque important de surexploitation, en particulier sur les juvéniles (tailles des prises non respectées), et donc de disparition de certains stocks à très court terme (1-2 ans). La perte est estimée à 2,4 milliards d'euros (M.H Aubert, 2007), à laquelle s'ajoutent les conséquences écologiques irréversibles.
Les lobby internationaux
Les subventions mondiales pour le secteur de la pêche avoisinent les 34 milliards de dollars par an, principalement destinées au Japon avec 5,3 milliards de dollars par an, à l'UE avec 3,3 milliards de dollars et à la Chine avec 3,1 milliards de dollars. Selon certaines associations écologistes telles que WWF, ces subventions encourageant la surpêche devraient être interdites. En effet, ces subventions destinées à accroître les capacités de pêche, à travers l'achat de navires, de carburant ou d'équipements de pêche, sont estimées à 20 milliards de dollars par an à l'échelle mondiale et favorisent donc la surexploitation. Elles entretiennent également la puissance des
États Unis et du
Japon face aux autres nations moins équipées.
La dégradation des ressources marines : les conséquencesLes conséquences de la surexploitation[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Elles sont malheureusement nombreuses et souvent irréversibles. La surexploitation des ressources halieutiques est, dans un premier temps, un risque majeur de réduction des stocks d'espèces, visées ou non, et de destruction par effet indirect de l'écosystème marin. La pêche excessive, associée à la mauvaise gestion des pêcheries, fait perdre des milliards de dollars par an à cette branche d'activité, ajoutés aux subventions accordées aux grandes flottes de pêche.
Elle peut entraîner la disparition des poissons les plus gros et les plus âgés d'une population ou d'un stock. Ces populations se caractériseront alors par la présence de poissons moins productifs et plus petits (indicateur du déclin des stocks). La surexploitation peut avoir également une incidence négative sur l'écosystème (l'équilibre écologique). Attaquer un maillon de la chaîne alimentaire revient à perturber un écosystème dans sa totalité. Si l'on surexploite les grands prédateurs (requins, thonidés, marlin...), les stocks de poissons proies (rang inférieur) ne seront pas régulés et un déséquilibre se mettra en place. Et inversement, si on surexploite les poissons servant de nourriture aux grands prédateurs, ceux-ci vont disparaître par faute de repas.
L'exemple du déclin des otaries de Steller, en Alaska est significatif.
Il a été en partie attribué à la surexploitation de leurs principales sources d'alimentation, en l'occurrence le lieu, le cabillaud et le maquereau. En ce qui concerne les écosystèmes récifaux, ils sont eux aussi victimes étant indirectement compromis par la pêche excessive. Lorsque les poissons herbivores disparaissent des récifs de corail, les algues qui coexistent avec les coraux se multiplient et risquent d'envahir les récifs, en particulier si les eaux ont une forte teneur en azote. Comme elles bloquent souvent la lumière, elles contribuent à la destruction de ces colonies. Certains types de pêche sont très destructeurs pour les récifs (dynamite...), d'autant plus quand l'activité est déplacée, entraînant un report de l'effort sur d'autres zones plus vulnérables.
L'exemple du Thon rouge
La Commission européenne vient de décider d'arrêter la pêche au
thon rouge de
l'Atlantique Est et de
la Méditerranée pour la saison 2007. D'après les relevés de capture, le quota de 16 779,5 tonnes attribué à l'Union Européenne pour 2007 est épuisé. La surexploitation de cette espèce auparavant abondante a mis en oeuvre des moyens surnaturels : l'utilisation d'avions permettant de localiser les bancs de thon rouge, en dehors des périodes de captures autorisées, a été dénoncé. Les pratiques douteuses des fermes à thon qui consistent, selon le Fond Mondial pour la Nature, à engraisser les thons sauvages, afin de permettre leur prise avant l'âge de la maturité, n'ont pas été épargnées. De telles pratiques empêcheraient la reproduction de l'espèce et entraîneraient donc sa disparition.
L'exemple du cabillaudLe cabillaud, tout comme le thon, est victime d'une surexploitation motivée par une demande excessive des consommateurs. Poisson pauvre en arête et à chair ferme, il est surconsommé au détriment d'autres espèces moins menacées écologiquement et à valeur gustative comparable.En octobre 2002, une commission scientifique internationale à caractère consultatif recommanda la cessation de la pêche au cabillaud en mer du Nord, en mer d'Irlande et à l'ouest de l'Ecosse. Aujourd'hui, les quotas de pêche sont régulièrement remis en question et les prises surveillées. Un plan de lutte contre la pêche accessoire des gabarits trop petits est en réflexion.
Bilan actuel et perspectives pour l'avenir[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'homme utilise la mer pour se nourrir, communiquer et plus récemment, y déverser ses déchets. Il est indéniable qu'à l'heure actuelle, les océans sont en danger et qu'ils ne sont plus aptes à produire indéfiniment des ressources halieutiques. Dans cette optique, il est donc urgent de trouver des alternatives qui mettront tout le monde d'accord, aussi bien les pêcheurs que les environnementalistes. L'objectif pourrait être de freiner la surexploitation et de gérer les ressources halieutiques durablement, pour que les pêcheries deviennent plus productives, que le coût à l'unité de la capture des poissons diminue et que le volume des prises augmente.
Pour l'atteindre, des actions concrètes doivent être menées notamment au niveau de l'amélioration de la connaissance et le suivi des ressources, en favorisant la communication entre les scientifiques et les professionnels. Le développement d'une gestion de la pêche à l'échelle internationale ainsi qu'un soutien des initiatives innovantes en terme de promotion de nouvelles techniques de pêche plus sélectives sont aussi nécessaires. Ces perspectives passent obligatoirement par de nouvelles méthodes de gestion des ressources halieutiques à travers une approche écosystémique des pêcheries, une amélioration du système global de commercialisation (élevage et vente) et une aide aux pays en voie de développement.
L'aquaculture, une alternative controverséeL'aquaculture est une méthode pratiquée depuis des milliers d'années mais connaissant un essor considérable depuis quelques décennies, notamment dans les zones humides continentales et côtières. Sa production est orientée essentiellement vers les poissons mais aussi vers les mollusques (huîtres, moules...), les échinodermes (oursins...), les crustacés (crabes, crevettes...) et les plantes aquatiques.La production peut être issue de l'élevage ou d'une capture en milieu naturel. Cette alternative semble en théorie être la bonne solution pour remédier à la destruction des stocks de poissons. Cependant, la réalité est tout autre quand les pressions de production dépassent la valeur écologique de la méthode. Les conséquences se retrouvent au niveau de la disparition de certaines zones humides où l'on a installé des bassins d'élevage, au niveau de l'utilisation de poissons sauvages comme reproducteurs et de l'introduction d'espèces étrangères dans les zones humides.
Le principal problème reste tout de même la pollution des habitats locaux par les déchets alimentaires et chimiques issus de l'activité aquacole en amont.ConclusionDe toute évidence, la surexploitation des ressources halieutiques comporte des coûts tant pour l'économie que pour l'environnement. Le fait d'y mettre fin et de donner aux stocks le temps de se renouveler permettrait d'accroître la productivité et de maximiser les recettes dans la durée pour ce secteur. Une telle action s'impose pour stabiliser aussi bien les ressources halieutiques que le secteur de la pêche. D'un autre côté, il est important de réfléchir aux alternatives et mesures compensatoires en considérant toutes les composantes (environnementale, socio-économique, politique, culturelle...) afin de trouver « la » solution durable et efficace.En savoir plus & références...Les acteurs principaux de la gestion des ressources halieutiques au niveau mondial
- L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et son Comité des pêches de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. S'agissant de la pêche, la mission de la FAO consiste à encourager le développement et l'exploitation durable des ressources halieutiques et de l'aquaculture au niveau mondial.
- Depuis près de trois ans, la FAO s'emploie de concert avec les organes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) à formuler des critères d'inscription aux annexes de la CITES visant les espèces commercialisées de poissons.
- L'OMC, Organisation Mondiale du Commerce, intégre une dimension environnementale dans les accords commerciaux internationaux.
Bibliographie
- National Geographic France, avril 2007, Spécial Océans. Dossier « la crise globale de la pêche ». p29-95
- Les problèmes à affronter en matière de pêche dans le monde - John Turner, Secrétaire d'Etat adjoint, direction des affaires océaniques, environnementales et scientifiques, Département d'Etat des États Unis.
- Les instruments internationaux relatifs à la pêche maritime - David Balton, Directeur du bureau de la conservation marine, Département d'état des États Unis.
- Les conséquences écologiques et les coûts économiques de l'épuisement des stocks de poissons - Angela Somma, Spécialiste des ressources naturelles, bureau de la pêche durable, Service national de la pêche maritime (USA).
- Commission Internationale pour la conservation des thonidés de l'atlantique (ICCAT)
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