Apiculture : des abeilles ont été infectées par un virus de végétauxUn nouveau virus s’en prenant aux abeilles domestiques a été découvert, mais il n’est pas inconnu. En effet, le virus des taches en anneaux du tabac s’en prend habituellement aux végétaux. Oui, il est bien passé sur un nouvel hôte, probablement au prix de nombreuses mutations génétiques. Reste à savoir quel rôle cet agent pathogène joue dans le syndrôme d’effondrement des colonies d’abeilles. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Le virus des taches en anneaux du tabac se transmet notamment par le pollen, comme 5 % des virus de végétaux. Nous savions déjà que les abeilles pouvaient le transporter. En revanche, personne ne se doutait jusqu’à présent que ces pollinisatrices pouvaient être infectées. Depuis 1998 en Europe et 2006 aux États-Unis, un nombre anormalement élevé de populations d’abeilles (
Apis mellifera) dépéri chaque année. De nos jours, les causes précises de ce phénomène restent méconnues, et font donc l’objet d’études. Certains scientifiques se penchent sur le cas des pesticides ou des acariens tels le varroa. D’autres, en revanche, pensent plutôt que la cause du syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles (CCD, pour
Colony Collapse Disorder) est à rechercher dans le monde des virus.
Plusieurs de ces agents pathogènes sont déjà connus pour leurs effets néfastes sur les populations d’abeilles. Par exemple, on peut citer le virus de la paralysie aiguë (ABPV, pour
Acute Bee Paralysis Virus), qui s’active et paralyse les abeilles infectées lorsqu’elles sont parasitées par le varroa. Pour sa part, le virus du couvain sacciforme (SBV, pour
Sacbrood Virus) provoque une forte mortalité des larves en forme de sac, ce qui dès lors affaiblit la ruche. Ces différents « parasites parfaits » sont connus depuis plusieurs décennies. Ainsi, ils font régulièrement l’objet de dépistages.
C’est justement durant l’une de ces opérations que Ji Jian Li (
Chinese Academy of Agricultural Science) et ses collaborateurs ont fortuitement découvert un nouveau virus s’en prenant aux abeilles. Cet agent pathogène n’était pas inconnu pour autant, car il s’en prend fréquemment à certains végétaux (phytovirus). Il s’agit du virus des taches en anneaux du tabac (TRSV, pour
Tobacco ring spot virus), qui provoque l’apparition de marbrures jaunes sur les feuilles de plantes tel le tabac, le concombre ou l’aubergine. Comment expliquer sa détection ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le virus des taches en anneaux du tabac (TRSV) appartient à la famille des secoviridés, ce qui signifie que ses virions font 25 à 30 nm de diamètre. Il est également transmis de plante en plante par les vers nématodes.Les abeilles sont infectées, mais pas le varroaLe
TRSV est un
virus à ARN linéaire à simple brin appartenant à la famille des secoviridés. Il se caractérise par un important taux de mutation, ainsi que par l’absence d’un système de contrôle du matériel
génétique répliqué. Ainsi, lorsqu’il se multiplie, cet agent infectieux donne naissance à de nouveaux virus qui lui sont apparentés, mais dont le
patrimoine génétique varie légèrement (formation d’une quasi-espèce virale). Dans certains cas, les mutations procurent de nouveaux avantages, comme la capacité à s’en prendre à un nouvel hôte, même s’il s’agit dans le cas présent d’un animal.
Les
abeilles examinées ont présenté des infections dans tout leur corps, ce qui prouve bien que le virus s’y développe. En revanche, il a aussi été décelé chez
le varroa, mais uniquement dans le tractus intestinal. L’acarien n’est donc pas attaqué par le virus, qu’il a probablement attrapé en suçant
l’hémolymphe d’un insecte. Autre conclusion : il peut servir de vecteur, et donc transmettre l’agent infectieux d’abeille en abeille, dans le cadre d’une dispersion horizontale. Par ailleurs, selon l’étude parue dans
mBio, les œufs pondus par les reines infectées sont aussi contaminés, ce qui traduit une dispersion cette fois verticale, de la mère à l’enfant.
Reste une question, le
TRSV intervient-il dans le
syndrome d’effondrement des colonies ? Pour le savoir, des
ruches qualifiées de fortes ou de pauvres ont fait l’objet de plusieurs analyses. Le virus et d’autres de ses congénères ont été retrouvés en plus grand nombre dans les
colonies affaiblies, qui commencent à dépérir à l’automne, pour totalement mourir avant le mois de février. De leur côté, les colonies fortes, avec moins de virus, ont passé l’hiver. Ainsi, le TRSV pourrait effectivement jouer un rôle dans cette problématique. Cependant, étant donné qu’il était présent au sein d’un cocktail viral, il est difficile de tirer une conclusion ferme. De nouvelles études sont donc requises, tout comme une meilleure surveillance des changements d’hôtes de certains virus.
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