Éruption de Santorin : nouveau rebondissement dans la datation !
L'éruption minoenne qui a donné lieu à la formation de la caldera de Santorin a peut-être été à l'origine du mythe de l'Atlantide. Il y a quelques années, des datations au carbone 14 et l'étude des cernes de croissances des oliviers avaient situé l'événement au XVIIe avant J.-C. Mais une équipe de chercheurs met en doute la solidité de ces estimations, revenant aux âges avancés auparavant par les archéologues.Une vue de la caldera de Santorin, située en mer Égée. Elle provient d'une éruption de type plinien datant du IIe millénaire avant J.-C. qui projeta des pierres ponces et des cendres sur environ 60 m d'épaisseur autour du volcan, et jusqu'à 900 km au sud. Le volume de ponces qui fut éjecté lors de cette explosion est estimé à 30 km3. Depuis des décennies, on spécule sur l’importance de la fameuse éruption minoenne, celle associée à la formation de
la caldera de Santorin, dans l’élaboration du mythe de
l’Atlantide de Platon. On peut trouver des points communs entre la civilisation qui s'est développée en
Crète et sur
l’île de Santorin, dans le sud de la
Grèce, de 2700 à 1200 avant J.-C. et celle que décrit le philosophe athénien dans le
Timée et le
Critias. De plus, le gigantesque
tsunami qui a forcément accompagné l’éruption minoenne cadre bien avec la catastrophe décrite par Platon, l’engloutissement de l’Atlantide. Toutefois, il semble difficile d’établir une corrélation avec l’effondrement de la civilisation minoenne vers 1450 avant J.-C., en partie parce que les dates de deux événements ne semblent pas concorder.
On a beaucoup de mal à dater avec précision
l’éruption minoenne, et les arguments et les rebondissements se succèdent d’année en année. Pour les archéologues, en se basant sur l’étude des poteries,
l’éruption de Santorin se serait produite vers le milieu du XVIe siècle avant J.-C. Mais il y a quelques années, des études basées sur des datations au
carbone 14 et la
dendrochronologie avaient conduit à penser que l’événement daterait plutôt du milieu du XVII
e siècle avant J.-C. Des cendres retrouvées dans des
carottes glaciaires au
Groenland semblaient également aller dans ce sens. Une
éruption volcanique majeure se serait donc produite en 1642 avant J.-C. Cependant, des études ultérieures ont conduit à penser que les cendres retrouvées provenaient d’une autre éruption, celle du
mont Aniakchak, en
Alaska.Vue aérienne de la falaise intérieure de la caldera de Santorin, avec ses couches de téphras caractéristiques et bien visibles. Une branche d’olivier trouvée sur cette falaise a été utilisée pour dater l’éruption minoenne.Une éruption minoenne dont la date est difficile à cernerLe débat dure toujours et des
publications récentes d’une équipe internationale de chercheurs sous la direction de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) viennent de jeter un nouveau pavé dans la mare.
Des échantillons de
bois d’olivier avaient été trouvés dans les cendres volcaniques de
Santorin. Or, selon les chercheurs, les
datations au carbone 14 de ces morceaux de
bois sont problématique à plusieurs titres. Comme l’explique Paolo Cherubini, l’un des auteurs principaux des nouvelles études sur la datation de l’éruption minoenne,
« examiner ce type de fragments de bois n’a de sens que si l’on peut prouver avec certitude que les arbres vivaient encore au moment de l’éruption. Or, dans le bassin méditerranéen, les vieux oliviers conservent souvent leurs branches mortes pendant plusieurs décennies ». De plus, les datations au carbone 14 pour les arbres s’appuient aussi sur des âges estimés à partir des cernes de croissance d’arbres vieux de plus de 4.000 ans.
Image et profil de densité du bois obtenus par imagerie neutronique. Sur cette section de branche d’un olivier qui pousse actuellement à Santorin, plusieurs fluctuations intra-annuelles de densité empêchent de distinguer clairement les cernes.Dendrochronologie incertaineMalheureusement, comme le précise le chercheur,
« dans les régions chaudes comme à Santorin, où les sécheresses estivales sont fréquentes et les hivers plutôt doux, les oliviers forment souvent des cernes très difficiles à distinguer. Ils présentent des fluctuations de la densité du bois à l’intérieur de certains cernes, et qui se forment surtout pendant les périodes de sécheresse ». Il en résulte que même des spécialistes peuvent se tromper pour attribuer une date à des fragments d’olivier.
Cette section de la branche d’un olivier qui pousse actuellement à Santorin comporte des cernes très difficiles à distinguer et à dater.Pour le prouver,
Cherubini a fourni des morceaux de bois d’olivier poussant actuellement à
Santorin à dix experts membres de cinq laboratoires dans le monde. Les résultats ont été spectaculaires. Le nombre de cernes évalués pouvait varier de plus de 44 % selon les estimations. Ainsi, un fragment d’olivier pouvait avoir un âge estimé à 72 ans par un groupe d’experts, alors que son âge réel était de 30 ans. Les repères chronologiques construits à partir des
datations au carbone 14 combinés à
la dendrochronologie étaient donc beaucoup trop imprécis pour pouvoir affirmer que l’éruption minoenne datait en réalité du XVII
e siècle avant notre ère, et pas du XVI
e siècle comme l’indiquait l’étude des céramiques.
Ce travail va certainement réjouir plus d’un archéologue, car l’éruption minoenne est un marqueur clé de l'archéologie de l’âge du bronze de
la Méditerranée orientale. Elle fournit un point fixe pour aligner l'ensemble de la chronologie du deuxième millénaire avant notre ère dans
la mer Égée. Les datations au carbone 14 étant en désaccord avec les dates archéologiques, elles avaient donc des implications importantes pour la chronologie acceptée des cultures de
la Méditerranée orientale.Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]