Après des décennies d'observations et d'analyses, des glaciologues confirment que certaines parties de l'inlandsis occidental de l'Antarctique fondent de manière irréversible avec des conséquences très importantes sur la hausse future du niveau des océans.
Après 40 ans de suivi, un faisceau de preuves montre le "point de non-retour" a été franchi à l'ouest de l'inlandsis[1] de l'Antarctique, dans la mer d'Amundsen indique le glaciologue français Eric Rignot, (Université de Californie et laboratoire Jet Propulsion de la NASA, Pasadena, Californie – USA). En effet, dans cette région, la fonte de la calotte glaciaire s'accélère de manière « dramatique » : depuis 1973, la perte de glace a augmenté de 77 % !
Le continent Antarctique est tellement hostile et éloigné des installations humaines que l'étude de son inlandsis n'a débuté que dans les années 1950. Dès 1968, la région ouest a été qualifiée d' « instable » par le glaciologue John Mercer (Université d'Etat de l'Ohio). En effet, depuis déjà des milliers d'années, sa structure géologique se modifie alors que la partie orientale de l'Antarctique et les glaciers du Groenland semblent bien plus stables.
Depuis, les études se sont succédé et ont confirmé que la calotte glaciaire de cette région est en perdition. Ce point de non-retour n'est donc pas une surprise pour les scientifiques qui suivent l'évolution de l'inlandsis occidental depuis plus de 40 ans. Plusieurs glaciers de la mer d'Amundsen connaissent une fonte accélérée depuis les années 1970 : de 1992 à 2011, le glacier Thwaites, le plus massif de l'Antarctique occidental, avec une largeur de 120 kilomètres, a reculé de 14 km.
Le glacier Thwaites va ainsi probablement disparaître d'ici quelques siècles, faisant monter le niveau des océans de près de 60 centimètres, prédisent les auteurs de ces travaux. Selon les modèles des scientifiques, la disparition du glacier Thwaites pourrait intervenir au plus tôt dans 200 ans, et au plus tard dans plus d'un millénaire selon la rapidité du réchauffement de la planète.
Mais le scénario le plus probable se situe entre 200 et 500 ans, précise Ian Joughin, glaciologue à l'Université de Washington."Toutes nos simulations montrent que la fonte du glacier fera monter le niveau de l'océan de moins d'un millimètre par an pendant 200 ans, avant de commencer à se désintégrer et à disparaître."
De 1992 à 2011, le glacier de l'île du Pin (Pine Island) a reculé de 39 km.
Le doute n'est donc plus permis sur ce phénomène : le degré de certitude est tellement élevé qu'il s'agit maintenant de la plus grave menace concernant une rapide montée du niveau des océans.
Pourquoi l'ouest de l'Antarctique est-il en train de fondre ?
Cette fonte inéluctable s'explique principalement par le fait que la glace repose majoritairement sur un lit rocheux qui se trouve en dessous du niveau de la mer. Par conséquent, la limite entre le socle rocheux et la glace est en contact avec le courant circumpolaire antarctique profond dont la chaleur fait fondre et glisser le glacier sur sa base.
Il s'en suit une réaction en chaîne : l'écoulement de l'eau qui fond à la base du glacier favorise le glissement du glacier sur son socle rocheux, ce qui en accélère encore la fonte. Puis, les glaciers s'allongent et leur épaisseur diminue, ce qui réduit leur masse et les fragilise : ils glissent de plus en plus vite et se séparent de la base rocheuse pour finir en iceberg à la dérive où ils fondent progressivement.
En outre, depuis les survols aériens dans les années 1960, les scientifiques se sont rendus compte que le lit rocheux forme, à certains endroits, une pente qui le place jusqu'à 2,4 km sous la surface de la mer. Cela expose davantage les fondements de la calotte glaciaire à la chaleur du courant océanique.
Dans le même temps, l'ouest de la péninsule Antarctique a connu la plus grande augmentation de la température sur la Terre, avec une hausse de 0,5 degré Celsius par décennie : un réchauffement sans précédent depuis un demi-siècle. C'est donc un ensemble de caractéristiques géologiques couplées avec le réchauffement de cette partie de l'océan austral qui conduit à la fonte des glaciers de l'inlandsis occidental de l'Antarctique.
B31 : Un gigantesque iceberg à la dérive
Témoin de cette désintégration glaciaire, mi-avril 2014, la NASA annonçait qu'un gigantesque iceberg s'était détaché du glacier de l'île du Pin fin 2013. Huit fois plus grand que Manhattan, six fois plus grand que Paris, l'iceberg, baptisé B31, couvre une surface de 660 km² pour une hauteur de 487 m. Il dérive depuis plusieurs mois dans l'océan Antarctique et s'apprête à pénétrer dans l'océan Austral. Suivi de près par la NASA, l'imposant iceberg pourrait constituer à terme une menace pour le trafic maritime.
Quelles conséquences sur le niveau des mers ?
La fonte complète de cette partie de l'inlandsis occidental de l'Antarctique contient suffisamment de glace pour augmenter le niveau moyen des océans de 1,2 m ! Heureusement, la fonte totale de cette calotte glaciaire devrait prendre des siècles. Selon le dernier rapport du GIEC estime qu'en 2100 le niveau des mers grimpera de 26 à 98 cm, une prévision qui ne tient pas compte de ces nouvelles informations scientifiques. C'est pourquoi, Eric Rignot estime que la montée des eaux en 2100 devrait finalement approcher les prévisions les plus pessimistes, c'est à dire environ 1 m.
Maigre consolation :la région de la mer d'Amundsenne représente qu'une partie de l'inlandsis de l'Antarctique. Si ce dernier venait à fondre entièrement, le niveau des océans grimperait d'environ 5 mètres : un cataclysme ingérable pour l'humanité.En 2017, la NASA lancera le satellite ICESat-2, la mission de suivi de ICESat, qui a fonctionné de 2003 à 2009. ICESat-2 utilisera l'altimétrie laser pour effectuer des mesures précises et régulières de la hauteur des glaciers : les bilans sur leurs évolutions seront ainsi facilités et plus fiables.
Notes : 1 - L'Antarctique est le continent situé au Pôle Sud et entouré par l'océan Austral. Sa surface est d'environ 12,5 millions de km², recouverte à 98 % de glace appelée inlandsis, dont la superficie atteint plus de 14 millions de km² l'été, soit 26 fois celle de la France métropolitaine. L'inlandsis de l'Antarctique est coupé en deux par une chaîne de montagnes (les Monts Transantarctiques) séparant l'Antarctique oriental de l'Antarctique occidental. 2 - La mer d'Amundsen est située à l'ouest de la mer de Bellingshausen et à l'est de la mer de Ross, elle longe la Terre Marie Byrd, sur la côte ouest de l'Antarctique. Elle est délimitée à l'ouest par le cap Dart et à l'est par l'île Thurston. Elle tient son nom du capitaine et explorateur norvégien Roald Amundsen qui l'a traversé lors de son expédition dans l'Antarctique de 1928-1929.
Sources : *The 'Unstable' West Antarctic Ice Sheet: A Primer - NASA / Jet Propulsion Laboratory *West Antarctic Glacier Loss Appears Unstoppable - NASA / Jet Propulsion Laboratory *Pine Island Glacier - Antarctic Glaciers Is the West Antarctic Ice Sheet collapsing? - Antarctic Glaciers *Drifting with Ice Island B31 - NASA
Auteur : Christophe Magdelaine
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_________________ [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] le.cricket vous salue bien !
La fonte des glaciers s'accélère en Antarctique : le point de non-retour a été atteint [vidéo] par Christophe Magdelaine