Les troubles origines des plantes carnivores !
Un piège à insectes vieux de 47 millions d'années relance le débat sur l'origine et la nature des plantes mangeuses de chair.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Carnivore ? Le plus ancien équivalent végétal du papier "tue-mouches" a 47 millions d'années. PIÈGE. Ces
"tentacules" végétales
figées dans l’ambre de la baltique depuis 35 à 47 millions d’années seraient les plus anciens
"pièges" de plante à fleur carnivore jamais découverts,
selon des chercheurs allemands. Ces tiges présumées gluantes scotcheraient en effet mortellement les insectes ayant eu l’imprudence de s’y poser… Des résultats qui relancent le débat sur les origines et caractéristiques des
"fleurs du mal".Être capable d’attirer, capturer et digérer des animaux
Examinées à la loupe, les
"feuilles fossiles" extirpées
des mines d’ambre de Jantarny, près de
Kaliningrad en
Russie, évoquent en effet furieusement des plantes modernes sud-africaines,
les Roridula. Ces dernières sont souvent comparées à des
"papiers tue-mouches" végétaux en raison de leurs feuilles allongées et gluantes de résines. Or, les tiges préhistoriques et modernes sont
"parsemées des mêmes glandes multicellulaires et poils unicellulaires", analysent les géo-biologistes et botanistes de
l’université de Göttingen et
des Collections botaniques d’État de Munich qui imaginent dès lors qu’elles ont des fonctionnalités équivalentes : la production de glue pour immobiliser les proies. Ce qui ne va pas de soi…
"CARNIVORIE". Le poil gluant et passif est considéré comme une prédisposition à la
"carnivorie" qui a vu se développer des pièges de plus en plus sophistiqués
(voir diaporama en fin de cet article). La trouvaille remet en question l’idée que
les Roridula sont nées il y a 90 millions d’années sur le supercontinent Gondwana (qui devait former l’Afrique) et sont restées limitées au continent africain. Apparemment, ces
"tue mouches" végétaux – ou plutôt leurs lointains ancêtres – étaient répandus dans l’hémisphère nord à l’Éocène (de 56 à 34 millions d'années) et se sont raréfiés par la suite… pour ne plus pousser que dans la province du Cap.
Les restes fossiles de plantes carnivores sont par ailleurs rarissimes :
"Jusqu’ici, on ne disposait que de graines fossilisées d’Aldrovanda, une plante carnivore à mâchoire, datant également de la période de l’Éocène", explique l’un des auteurs de l’étude,
Alexander Schmidt, de
l’université de Göttingen. Les morceaux d’ambre à tentacules datés de 35 à 47 millions d’années aideront les généticiens qui travaillent à calibrer l’horloge moléculaire, c’est-à-dire la vitesse d’apparition des différentes espèces végétales insectivores. Mais il reste encore beaucoup d’incertitudes sur l’origine des plantes mangeuses de chair.
"Si l’on compile les travaux phylogénétiques, on s’aperçoit que les espèces carnivores sont le fruit d’au minimum neuf évènements évolutifs indépendants s’étalant entre 8 et 72 millions d’années", commente
Thomas Givnish de
l’université du Wisconsin à Madison (
Etats-Unis). Selon leurs écoles de pensée, les botanistes en recensent de 583 à 680 espèces environ (réparties grosso modo en 20 genres, 12 familles, et 5 ordres) car ils ne s’entendent pas tous sur la définition exacte de la plante carnivore. Pour faire simple, elle doit être capable d’attirer, capturer et digérer des animaux. Mais le degré d’autonomie, de passivité ou d’activité nécessaire pour faire une "vraie" plante carnivore continue à faire débat dans la communauté.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les Roridula modernes d'Afrique du Sud portent les mêmes tentacules qu'une plante présumée carnivore retrouvée dans l'ambre fossile. Vraie ou fausse ? Qu’est-ce qu’une plante carnivore ?
Même les fameuses
Roridula ne font pas l’unanimité. Jusqu’à récemment, la majorité des spécialistes ne les considéraient pas comme des plantes carnivores, plutôt comme des pré-carnivores ou protocarnivores. Il leur manquait apparemment une faculté indispensable : la production d’enzymes pour digérer de façon autonome les proies capturées.
"La plante tire en effet parti d'une symbiose avec des punaises à grande pattes, les Pameridea marlothii qui enjambent les poils collants et se nourrissent des autres insectes restés englués", explique
Marc-André Sélosse, professeur de biologie évolutive du
Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, spécialiste de la symbiose.
"La punaise défèque sur place et ses déjections sont ensuite assimilées par la surface des feuilles, lui fournissant notamment un précieux azote dans un milieu pauvre en nutriment". Toutefois, en 2006, des chercheurs ont démontré que ce cas de mutualisme digestif était plus complexe qu'il n'y paraissait : la plante sud-africaine produit en effet énormément d’enzymes phosphatases via des glandes spéciales.
"En clair, elle ne digère pas l’azote, mais seulement le phosphate des proies engluées", commente
Marc-André Sélosse. Rien ne dit que
la Roridula ne soit pas en voie d’autonomie et n’achève pas un jour son évolution vers une carnivorie parfaite.
À suivre.
Plantes carnivores : 6 types de pièges[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
La Roridula est une plante carnivore à piège passif gluant.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les feuilles de Pinguicula forment également un piège adhésif passif.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La Nepenthes est également une plante carnivore à piège passif à toboggan.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Sarracenia : cette plante carnivore est également un piège passif glissant.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Genlisea : une plante carnivore équipée d'un piège passif à nasse.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Drosera : une plante carnivore à piège semi-actif à tentacules réactives et gluantes.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les outres de la plante carnivore Utricularia forment des pièges actifs à aspiration.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La plante carnivore Dionaea est équipée de piège actif à mâchoires (ici photographiée au Brésil, se régalant d'une araignée). Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]