Sur l’île d’Inishbofin survit un « petit » pêcheur irlandais. Sa vie bascule du jour au lendemain quand l’Union Européenne va instaurer de nouvelles réglementations pour encadrer la pêche. Des contraintes légales qui s’imposent de manière unilatérale aux pêcheurs traditionnels comme aux gros chalutiers industriels, souvent en faveur de ces derniers. Incapables d’y faire face, les pêcheurs locaux indépendants, présents depuis des générations, disparaissaient au profit de l’industrie de la pêche. Mais un pêcheur irlandais a décidé de dire « NON » …
« Des Lois et des Hommes » est un film-documentaire, dans les salles ce 11 octobre, qui retrace le combat de John O’Brien, petit pêcheur de l’île d’Inishbofin en Irlande. Celui-ci s’est soudainement vu dépossédé de son droit de pêche traditionnelle, pris au piège entre les mécanismes politico-économiques de son pays et les lois européennes contraignantes. Avec l’aide d’un groupe d’insulaires, d’experts internationaux et d’ONG, il va mener une croisade européenne de 8 ans, qui le mènera jusqu’au Parlement à Bruxelles, pour sa survie. Contre vents et marées, John va tenir le cap face aux lobbies industriels et tenter de changer le système qui lui a tout enlevé.
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Les pêcheurs insulaires étouffés par les quotas À la suite de l’entrée dans l’Union européenne de l’Irlande, les eaux nationales du pays ont soudainement subi la surexploitation de navires étrangers, détruisant les stocks de poissons et obligeant les institutions à intervenir pour mettre en place des quotas de pêche. Ces nouvelles réglementations touchent cependant sans distinction les petits pêcheurs locaux et les grands chalutiers, mettant en danger la subsistance des premiers. Pendant 8 ans, Loïc Jourdain a suivi John O’ Brien, habitant de l’île de Inishbofin qui se situe dans une zone concernée par ces quotas, dans l’ouest de l’Irlande. Le film met en lumière son combat pour préserver l’activité économique locale, basée sur la pêche naturellement durable depuis des générations. C’est avec succès, et malgré toutes les difficultés qu’il existe à se faire entendre dans le labyrinthe européen, que les pêcheurs locaux se sont mobilisés contre les interdictions, faisant valoir leur position devant les administrations compétentes. Tel David contre Goliath, ils ont réussi à faire évoluer la législation en leur faveur, bien que le combat soit loin d’être terminé. L’histoire de ces pêcheurs irlandais symbolise ainsi la possibilité et l’espoir de faire valoir les droits de minorités économiques contre les lobbies industriels qui gangrènent les institutions européennes. Mais au prix de quels sacrifices personnels ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Sortir du manichéisme concernant Bruxelles
Le film révèle de manière nuancée et contrastée le combat des pêcheurs devant les instances européennes. Pour ce faire, le réalisateur qui a « rencontré John sur le quai d’où partent les bateaux pour les îles », a suivi la démarche de celui « qui voulait simplement comprendre ce qui se passait et continuer à vivre comme auparavant ». Le réalisateur explique : « Je montre seulement ce que John découvre au Parlement, comme tout citoyen lambda qui se rend dans ces lieux. Faire bouger les choses là-bas demande de la patience mais tout est possible. Tout est ouvert au public contrairement à ce que l’on pourrait croire : c’est l’endroit le plus démocratique je connaisse ».
Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, le réalisateur n’offre pas une vision manichéenne de Bruxelles et de l’Union européenne. Si les institutions sont clairement à l’origine d’« absurdités » administratives, Bruxelles n’est pas « une machine folle » pour autant, estime-t-il. Ainsi, si « les grosses entreprises et les lobbys […] pèsent le plus dans les négociations », notamment par ce qu’elles en ont les moyens économiques, les citoyens ont la possibilité de défendre leurs propres intérêts devant les institutions. Cependant, insiste-il, il faut que la société civile s’organise pour pouvoir peser dans la balance. Si personne ne s’oppose aux industriels, ils ont forcément le champ libre. Cette démarche demande beaucoup de courage, d’énergie et de volonté, comme le pointe le documentaire de manière audacieuse.
La structure même de l’institution semble rendre les choses laborieuses. Moralité, pour faire valoir ses droits contre les géants économiques, la société civile devrait avoir le courage de se constituer en mouvements, groupes de pression et autres think tank citoyens capables de représenter les intérêts du plus grand nombre dans les couleurs de l’Europe. Mais n’est-ce pas là le travail de nos représentants politiques ?Le Film co-diffusé en France par l’association Ubuntu Culture et la maison de distribution Doc(K)s 66 a été diffusé depuis mars dernier dans quelques salles locales. Sa sortie nationale est programmée au 11 octobre 2017.