Sciences & Techniques : La centrale nucléaire de Cattenom, l’autre Fessenheim[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La centrale nucléaire française de Cattenom (Moselle), située non loin de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg, fait au même titre que Fessenheim l'objet de nombreuses critiques. Beaucoup moins médiatisée que son homologue haut-rhinoise, l’unité mosellane n’en est pas moins très critiquée par les associations et la classe politique
luxembourgeoise.À leur grand regret,
François Hollande s’est engagé à ne fermer « que » la centrale de
Fessenheim. Décriée depuis sa mise en service à la fin des années 1970 et plus encore depuis l’accident de
Fukushima (
Japon), la structure alsacienne aura, si tout se passe comme prévu, cessé ses activités d’ici fin 2016.
Son démantèlement a par ailleurs vocation à servir de modèle, l’objectif élyséen à long terme étant on le sait de réduire la part de l’atome civil dans le bouquet énergétique national de 75 à 50 % à l’horizon 2025, ce qui suppose d’autres fermetures.
Vu les remontrances de plus en plus vives dont elle fait l’objet, il est vraisemblable que la centrale de
Cattenom, dont le premier réacteur a commencé à fonctionner en 1987, soit la prochaine sur la liste. Député vert et bourgmestre de la commune
de Remich (Luxembourg), située à dix kilomètres, Henri Kox a résumé avant-hier, à l’occasion de la Journée nationale d’action pour la sortie du
nucléaire, l’état d’esprit de milliers de riverains.
« Les conditions de sécurité sont absolument ahurissantes », s’est-il insurgé, cité par nos confrères du Monde, soulignant en outre qu
’« environ 75 % de la population luxembourgeoise vit dans le premier périmètre de sécurité de la centrale, établi à vingt-cinq kilomètres ». « L’emplacement des quatre réacteurs de Cattenom, qui se trouvent à la fois près du Luxembourg, de deux Länder allemands – la Rhénanie-Palatinat et la Sarre
–, de la Wallonie (Belgique) et de la Lorraine, rend les plans
d’évacuation de la population non transposables à la réalité », a-t-il ajouté.
De fait, un accident aurait des répercussions inévitablement internationales et obligerait une collaboration aussi étroite que difficile entre les différentes autorités concernées. Il reste que
Cattenom, davantage épinglée que
Fessenheim par les experts qui ont procédé aux stress tests européens, ce qui n’est pas rien et ne pouvait échapper au président du Parlement
luxembourgeois Laurent Mosar [NDLR : Des travaux ont par ailleurs été entrepris, en février dernier, sur deux tuyauteries des piscines d'entreposage du combustible des unités numéros deux et trois afin de rectifier un défaut de construction (absence d'une ouverture de vingt millimètres) qui n'avait jamais été détecté lors des précédentes visites de sûreté], lequel a écrit une lettre à l’Assemblée nationale française, peut et doit, au minimum, voir la sûreté de ses équipements passablement renforcée.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Stop ou encore ?Alors que les procédures aujourd’hui prévues en cas de grave défaillance ont été jugées
« insuffisantes » - ce que confirme Philip Urhausen, également cité par le quotidien, qui peut voir la centrale depuis sa fenêtre et selon lequel
« les mesures de protection de la population semblent absolument dérisoires » -, Bruxelles a en effet considéré dans son rapport final que« ses
équipements de secours, comme les groupes électrogènes, ne sont pas assez protégés contre les éléments en cas de catastrophe naturelle ». Rappelons également qu’en mars dernier, le Parlement luxembourgeois a violemment tapé du poing sur la table, sans conséquence jusqu’ici, adoptant à l’unanimité une motion stipulant que l’unité
nucléaire de
Cattenom, quand bien même elle fournit une part importante de l’énergie consommée dans le pays,
« met en péril la souveraineté et la pérennité de la nation ». Rien que ça ! Quelques mois plus tôt, les trente-six communes situées jusqu’à vingt-cinq kilomètres du site, mais aussi d’autres nettement plus éloignées, avaient déjà réclamé de concert l’arrêt définitif de la centrale.
Leur objectif est le même que celui des ONG de
protection de l’environnement, qui vu les résultats des investigations menées à l’échelle continentale pourraient hausser le ton dans les semaines à venir et appeler à un important développement de l’
énergie durable dans la région. Responsable du dossier
nucléaire auprès de Greenpeace interrogé par Le Monde, Roger Spautz évoque
« un incident tous les deux ou trois mois, dont certains ont déclenché un arrêt automatique de réacteur ».Pas de quoi justifier l’arrêt de
Cattenom d’après les spécialistes de l’Autorité de sûreté
nucléaire, lesquels ont néanmoins, d’une façon générale, préconisé le 4 octobre dernier
« des améliorations pour renforcer la robustesse des centrales européennes face à des situations extrêmes ». Expert indépendant, Dieter Majer mène quant à lui sa propre
« enquête » depuis l’année dernière, évaluant en particulier l’efficacité des tests de résistance menés depuis l’an dernier par l’ASN, l’exploitant EDF et l’Union Européenne (UE).
« Les résultats de (son) étude exigent la fermeture immédiate de la centrale », assure le comité d’action luxembourgeois contre le
nucléaire.
Le Grand Duché, qui cherche dans un premier temps à empêcher juridiquement la prolongation de la durée de vie des réacteurs, réussira-t-il à faire fléchir Paris ? Un lobbying intense des « anti-atome », dont les revendications sont de plus en plus
entendues et écoutées, peut-il convaincre le chef de l’État de revoir ses ambitions de dénucléarisation à moyen terme à la hausse ? On devrait en tout cas davantage entendre parler de Cattenom dans les mois à venir, d’autant que deux exercices au cours desquels le site sera placé en état d’alerte maximum se dérouleront en décembre et au printemps prochains.
L’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg seront parties prenantes et n’auront pas le droit de se manquer…Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]