Sciences & Espace : La future Ariane 6 sera modulaire et économique[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Avec Ariane 6, l'Esa abandonne le lancement double et revient au concept modulaire d’Ariane 4. Ce futur lanceur en ligne sera capable de mettre en orbite en lancement simple de 3 à 6,5 tonnes, ce qui représente l'essentiel des missions dites institutionnelles et commerciales que l'on peut prévoir à l'horizon 2020.
Guy Pilchen, le responsable du programme Ariane 6 à l’Agence spatiale européenne, explique à Futura Sciences ce que sera ce lanceur qui remplacera Ariane 5
à l’horizon 2021. Tout n'est pas encore décidé, mais on sait qu'Ariane 6 sera modulaire, ne lancera qu'un satellite à la fois et que le coût d'exploitation sera moindre que celui de l'actuel lanceur.Lors de la session de son Conseil au niveau ministériel de novembre 2012,
l’Agence spatiale européenne (Esa) a donné son feu vert au démarrage des premières études du programme Ariane 6 et confirmé le développement de la fusée
Ariane 5 ME adaptée qui doit apporter un gain de performance de 20 % pour le même prix qu’une
Ariane 5 ECA (12 tonnes contre 10 tonnes).
Dans un entretien accordé à
Futura-Sciences,
Guy Pilchen, responsable du projet Ariane 6 au sein de l
’Esa, nous explique ce que sera Ariane 6 et précise que
« le véritable coup d’envoi de son développement sera donné en 2014, en vue d’un premier vol de qualification à l’horizon 2021 ». Quant à
Ariane 5 ME adaptée,
« l’idée est de la faire voler en 2017, voire 2018 ».
Points communs entre Ariane 5 ME et Ariane 6Ces deux lanceurs sont indissociables. En effet, pour réduire les risques et les coûts de développement d
’Ariane 6, l’Esa
a pour objectif d’avoir un certain nombre de points communs entre
Ariane 5 ME et 6. Concrètement,
« on va adapter sur Ariane 5 ME des éléments ou des systèmes qui serviront également à Ariane 6 ». [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les quatre concepts de lanceur de nouvelle génération à
l'étude avant que l'Esa choisisse le concept PPH (en haut à gauche), qui deviendra Ariane 6 en 2021.« Bien que nous ayons une idée assez précise de
ses contours en termes de performances et de coûts d’utilisation, il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera Ariane 6 », explique
Guy Pilchen. Des quatre concepts à l’étude dans le Programme préparatoire des lanceurs futurs (FLPP), l’Esa a
« retenu le concept de lanceur à plusieurs étages dénommé PPH, avec propulsion solide pour l’étage
principal ainsi que le deuxième étage et propulsion cryogénique avec un cycle expandeur pour l’étage supérieur ».
Le choix de PPH est apparu « plus intéressant en termes de coûts récurrents ».
Par ailleurs, Ariane 6 va « permettre un certain nombre de synergies avec les évolutions futures de Vega ». L’idée est d’avoir une
« famille de lanceurs », ce qui permettra une
« réduction des coûts d'exploitation en raison de l’utilisation d’éléments communs aux deux lanceurs ».
Abandon du lancement double avec Ariane 6Ce futur lanceur aura une capacité d’emport de 3 à 6,5 tonnes en
orbite géostationnaire et de 4 tonnes en
orbite synchronisée avec le
Soleil (SSO). Cette plage de performance a été resserrée. Initialement,
« nos études portaient sur un lanceur capable de lancer jusqu’à 8 tonnes ». L’abandon de ces 8 tonnes s’est fait sur des considérations de coûts de développement et d’exploitation, ainsi que sur la
vision du marché des lancements de satellites ouverts à la concurrence qu’ont l’Esa et ses partenaires.
Cela dit,
Ariane 6 gardera un potentiel de performance.
« On ne va pas faire quelque chose de figé sans possibilité de faire évoluer les performances. »Le concept PPH englobe plusieurs configurations possibles. Ces six prochains mois vont
« nous permettre de figer une configuration et de proposer la meilleure solution vis-à-vis
des objectifs techniques, de calendrier et de coût (70 millions d’euros par lancement) avec le même impératif de fiabilité que pour Ariane 5 ».
En d’autres termes, déterminer l’architecture du lanceur et comment sera traitée sa modularité. Va-t-on vers un lanceur capable de
« couvrir la plage de performance demandée », ou un lanceur avec une
« configuration différente pour chaque orbite visé (4 t en SSO et 6,5 t en GTO) » ? [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La case à équipements, véritable « boîte crânienne » abritant le cerveau électronique du lanceur Ariane 5, n'existera pas sous cette forme pour Ariane 6.Jusqu'à 12 lancements par anCette modularité peut se faire par
« l’ajout de boosters solides d’appoint comme on le faisait sur Ariane 4 avec des propulseurs d'appoint à poudre (PAP) ».
Le choix définitif se fera en fonction du coût récurrent. Il ne faut pas qu’en multipliant le nombre de configurations, le prix de revient du lanceur amène à un coût de lancement supérieur aux 70 millions d’euros visés. C’est là
« notre seule exigence ». Pour calculer ce coût récurrent, l’Esa se base sur un
« rythme de 9 à 12 lancements par an en phase d’exploitation ».Quant au nombre d’étages,
« le choix n’est pas encore fait entre un lanceur à deux ou trois étages ». Cela dépendra du chargement des propulseurs à poudre. Parmi les concepts à l’étude,
« nous travaillons sur un lanceur à trois étages avec un premier étage chargé à 180 tonnes et un deuxième à 110 tonnes ». Pour ce lanceur, il y a une notion de modularité, car on doit lui ajouter des boosters de 30 à 40 tonnes pour atteindre les 6,5 tonnes en GTO. Cela dit, quelles que soient les configurations retenues, l’étage supérieur est
« toujours basé sur le moteur Vinci d’Ariane ME adaptée ».
Nouveaux logiciels et nouvelle avionique pour Ariane 6En raison d’un objectif de coût d’exploitation du lanceur inférieur à celui d’
Ariane 5, Ariane 6 ne sera guère innovante.
« Ce n’est pas un objectif prioritaire ». Néanmoins, si les études montrent que l’utilisation de nouvelles technologies amène vers cet objectif financier,
« et avec le même impératif de fiabilité que pour Ariane 5 », alors elles seront intégrées dans le lanceur.
S’il devait y avoir une surprise sur ce
lanceur, ce pourrait être l'absence de case à équipements. Sur
Ariane 5, cela signifie une structure dédiée avec des interfaces et donc
« de la masse et des opérations spécifiques à son assemblage ». Pour
Ariane 6,
« l’aménagement des équipements électriques peut se faire de manière différente sans avoir une structure dédiée ». Des solutions sont d’ores et déjà à l’étude. Enfin,
« on travaille sur de nouveaux logiciels et une nouvelle avionique ». Le cerveau d’Ariane 6 sera très différent de celui d’Ariane 5 en raison
« d’un programme de vol différent, et de l’obsolescence en 2020 des systèmes utilisés sur Ariane 5 ». [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]En plus des pas de tir de Vega (en haut et à gauche), d'Ariane 5 (au premier plan) et du Soyouz russe, le Centre spatial guyanais va devoir en construire un pour Ariane 6. La photo est prise depuis le réservoir d'où sera déversée de l'eau (dans la canalisation jaune), au moment du lancement, pour atténuer les vibrations sonores au moment du décollage.
Un nouveau pas de tir en GuyaneLa question industrielle est importante dans ce programme. Un des reproches faits à l’
écosystème Ariane 5 est que son paysage industriel est très éclaté, principalement du fait de la contrainte de retour géographique qui s'applique à sa
production. Résultat, la chaîne industrielle du
programme Ariane 5 regroupe plus de 550 entreprises (dont plus de 20 % de PME) dans 12 pays.
Pour Ariane 6, l’Esa milite pour un système moins éclaté et rappelle qu’il existe des marges importantes de progrès dans
l'organisation industrielle. Ainsi, s’il est évident que
« l’on doit utiliser les industriels dans les domaines où ils sont les meilleurs », cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut plus répartir les activités dans plusieurs pays. Il faut trouver un juste milieu entre la nécessité de
« garder les compétences » et maîtriser les coûts récurrents du lanceur en
« privilégiant les industriels les mieux-disants ».
Bien évidemment, il ne faut pas lier la réduction des coûts
d’exploitation avec une perte de fiabilité, mais plutôt rechercher une
« plus grande standardisation et des volumes de production plus importants ».
Le programme
Ariane 6 aura également un impact au
Centre spatial guyanais. Les usines de production du
P80 et des
boosters d’Ariane 5 (les EAP) vont devoir être adaptées et de nouveaux bâtiments de stockage et d’intégration sont à prévoir. Bien que le lanceur soit intégré à la verticale comme
Ariane 5,
« nous ne réutiliserons pas le bâtiment d’intégration (BIL) et le bâtiment d’assemblage final (BAF) d’Ariane 5 ». Enfin,
Ariane 6 aura
« besoin d’un nouveau pas de tir, sans interaction avec celui d’Ariane 5 (ELA-3) ».Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]