Hess Deep : la croûte océanique contient des minéraux insoupçonnésLes premières analyses des gabbros extraits lors de l’expédition Hess Deep commencent à parler. La découverte d’orthopyroxène et d’olivine a particulièrement surpris les chercheurs, car on les pensait absents de la croûte océanique profonde. Ainsi, les résultats de certains modèles théoriques se sont vus confirmés, tandis que d’autres doivent être révisés. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le JOIDES Resolution est un bateau scientifique de forage. Ces dernières missions l'ont conduit aux Antilles, en Méditerranée, dans l'Atlantique et dans le Pacifique. Lors de l'expédition 345 de l'IODP, il a réalisé trois forages sur le point triple Hess Deep, au large du Costa Rica.
En décembre 2012 et janvier 2013,
Futura-Sciences vous a fait vivre de l'intérieur
l’expédition no 345 de l’International Ocean Discovery Program (IODP). À cette occasion, le navire de forage scientifique
JOIDES Resolution s’est rendu à l’aplomb du
rift océanique Hess Deep, dans
le Pacifique équatorial. Ce choix ne devait rien au hasard, puisque ce site se trouve précisément à la rencontre de trois
plaques tectoniques (point triple) et qu’il constitue l’une des rares
« fenêtres tectoniques ». En ce lieu, la
croûte océanique profonde et le
manteau terrestre sont donc plus accessibles qu’ailleurs.
Les
croûtes océaniques recouvrent près de 70 % de la surface de la planète. Elles se forment au niveau des
dorsales médio-océaniques, par le refroidissement de
magma provenant du manteau. Cependant, nos connaissances sur ce qui se passe plusieurs kilomètres sous les fonds marins restent théoriques. Elles sont basées sur des analyses de données sismiques, sur l’observation d’
ophiolites (des roches océaniques charriées sur un continent) et, bien entendu, sur de la
modélisation. Mais sont-elles exactes ?
C’est notamment pour répondre à cette question que l’
expédition Hess Deep a été organisée. De prime abord, les
carottes forées dans les fonds marins ont livré un premier résultat dès leur extraction sur le navire : la croûte océanique profonde, celle qui repose sur la couche externe composée de
basaltes, a bien été atteinte par les forages, puisque des
gabbros ont été remontés. D’ailleurs, la présence de ces roches
plutoniques valide les résultats des modèles ayant défini la structure interne de la croûte océanique. Depuis, les prélèvements ont été rapportés sur la
terre ferme, où ils sont en cours d’analyse.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La région de Hess Deep est au large du Costa Rica. Elle est à la confluence de trois plaques tectoniques : la grande plaque pacifique (EPR), la plaque de Cocos (Cocos plate) et la plaque de Nazca (Nazca plate). La mission Hess Deep Plutonic Crust a pour but de forer la croûte océanique dans cette région.Quand deux minéraux remettent en cause les modèlesEt les échantillons livrent leur lot de surprises. Certaines viennent d’être présentées dans la revue
Nature par
Kathryn Gillis de
l’université de Victoria (
Canada) et une trentaine de collaborateurs. Des gabbros ont notamment été débités en sections fines, puis observés avec des
microscopes polarisants. C’est alors qu’une première surprise est apparue. Les scientifiques ont identifié un
minéral du groupe des
silicates de magnésium :
l’orthopyroxène. Or, sa présence n’avait jamais été prévue à de telles profondeurs dans la
croûte océanique.
Conclusion : les réactions chimiques de base qui surviennent dans cette couche terrestre doivent être révisées.Les mêmes analyses ont révélé un aspect qui remet partiellement en cause l’une des principales théories expliquant la
formation des gabbros dans la croûte océanique profonde. Ainsi, les chercheurs ont découvert de
l’olivine, un autre minéral du groupe des silicates de magnésium.
L’olivine est connue en gemmologie sous le nom de
péridot, car elle forme de délicats cristaux lorsqu’elle se cristallise (on en trouve dans des inclusions à la surface de la planète). Cependant, comme
l’orthopyroxène, sa présence dans les carottes analysées était inattendue.
En effet, selon les modèles admis, la séparation des
plaques tectoniques au niveau des
dorsales médio-océaniques serait de nature à déformer le
magma qui est assez ductile à la profondeur considérée, ce qui doit entraîner une rupture des cristaux d’olivine.
Visiblement, certains points seront ici aussi à revoir. Les auteurs ont tout de même précisé que leurs résultats ne reposaient que sur des observations réalisées en un seul et unique point du globe. Il serait bon de les confirmer sur d’autres sites grâce à la
réalisation de forages complémentaires. En attendant, on se doute que des scientifiques travaillent déjà sur de nouvelles théories pouvant expliquer ces découvertes inattendues.
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