Tectonique des plaques : le Sahara aurait pu devenir un océan !Il semble probable que le grand rift continental de l'Afrique de l'Est, qui aboutit à la fameuse dépression de l'Afar dont la vraie nature a été comprise à partir des expéditions d'Haroun Tazieff et ses collègues, laisse un jour la place à un fond océanique. En Afrique de l'Ouest, un rift analogue a fini par avorter pendant le Crétacé. Sans cela, le Sahara serait aujourd'hui un océan.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Si un second rift n'était pas entré en compétition au Crétacé avec celui qui se mettait en place du nord au sud du Sahara, le morcellement des supercontinents Gondwana et Laurasia aurait conduit à une répartition différente des continents. Comme le montre cette projection hypothétique de l'histoire de la dérive des continents, il existerait alors aujourd'hui un océan à la place du Sahara.L'année 2012 fut celle du centenaire de la théorie de la dérive des continents d
’Alfred Wegener. L’année 2014 sera l’occasion de fêter le centenaire de la naissance d
’Haroun Tazieff, qui a très tôt compris l’importance et la pertinence de
la théorie de Wegener, des décennies avant qu’elle devienne une évidence à la fin des années 1960. Le volcanologue a d’ailleurs apporté sa pierre à la reconnaissance de la forme moderne des idées de
Wegener, la théorie de la
tectonique des plaques et de l’expansion des fonds océaniques.
Très tôt aussi,
Haroun Tazieff s’était intéressé à
la vallée du grand rift en
Afrique, dont il soupçonnait l’importance. Elle s'étend du sud de
la mer Rouge au
Zambèze sur plus de 6.000 km de longueur, 40 à 60 km de largeur et quelques centaines à quelques milliers de mètres de profondeur.
Ce rift est en effet la conséquence de
mouvements des
plaques tectoniques séparant lentement la partie est de l’Afrique du reste du continent. Au nord, se trouve la mythique région volcanique de l’Afar, dans laquelle Haroun Tazieff a réalisé avec ses collègues
Giorgio Marinelli, Franco Barberi et
Jacques Varet plusieurs missions d’exploration et des campagnes d’étude de la fin des années 1960 au début des années 1970.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le lac Assal, dans la dépression de l'Afar, est situé à 153 mètres sous le niveau de la mer, ce qui fait de lui le point le plus bas du continent africain. L'Afar est une région volcanique dans laquelle on trouve des chaînes volcaniques axiales de type océanique (au plan tectonique et magmatique). Il s'agit donc du fond d'un tout jeune océan accompagnant la formation de la mer Rouge. L'Afar, le fond d'un jeune océanLa beauté de
Dallol, de
l’Erta Ale et du
lac Assal est bien sûr emblématique de cette région. Mais c’est la découverte qu'il s'agit là d’un morceau de
la mer Rouge exondé qui s’est révélée importante. Elle a permis d'accélérer le changement de paradigme qui était alors en cours en géosciences. On pouvait y voir clairement les structures volcaniques et les phénomènes géologiques associés à la théorie de la tectonique des plaques, mais qui se produisent normalement à des milliers de mètres de profondeur, sous la surface des océans.
Un jour, l’Afar se retrouvera très probablement à nouveau sous l’eau, et un nouvel océan sera apparu à la place de la vallée du rift. Toutefois, un autre rift était aussi en formation jadis, mais en Afrique de l’Ouest. Il faisait partie du processus de morcellement alors en cours d’un
supercontinent, le
Gondwana. Ce processus avait commencé au
Jurassique il y a environ 180 millions d’années.
L’Amérique du Sud et
l’Afrique se sont finalement séparées au début du
Crétacé, voilà environ 130 millions d’années. Mais si le processus de rifting en cours allant du
Nigeria à la
Lybie n’avait pas avorté,
l’ouest de l’Afrique serait resté collé à
l’Amérique du Sud et il existerait aujourd’hui un
océan à la place du
Sahara.Pour comprendre pourquoi cet océan ne s’est pas formé, les géophysiciens
Christian Heine de
l’université de Sydney et
Sascha Brune du
German Research Centre for Geosciences (GFZ) ont réalisé
une simulation numérique en 3D décrivant la thermomécanique du
Gondwana à cette époque. Ils ont découvert qu’un second rift, perpendiculaire au premier et qui était entré à un moment en compétition avec celui qui a fini par avorter, avait modifié le bilan des contraintes qui s’exerçaient à ce moment-là. Les lois de la
rhéologie ont fait gagner le second rift, qui a inhibé le processus de formation du premier. Les deux chercheurs ont exposé en détail leurs travaux dans un article publié dans la revue
Geology.Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]