Notre société de surconsommation se traduit par une surexploitation des ressources mais aussi par un immense gaspillage qu'il soit alimentaire ou en biens de consommation. L'ADEME et l'Agence du Don ont évalué le coût de ce gâchis pour inciter les acteurs économiques à ne plus jeter.
Le rapport d'étude "Étude du potentiel de dons non alimentaires" porte sur 12 secteurs d'activité (vêtements, hygiène, jouets, produits culturels…) où un panel de près de 400 personnes a été interrogé : *32 % de fabricants et grossistes ; *60 % de distributeurs spécialisés dont 8 % sont les principales enseignes de la grande distribution et les spécialistes du déstockage.
En France, 90% des produits non alimentaires qui n'ont pas été vendus connaissent une seconde vie via différents canaux de distribution. Toutefois, 4,2 % des produits mis sur le marché deviennent des invendus bruts[1] et 0,6 % des invendus résiduels[2] en grande partie destinés à la destruction.
Ainsi, chaque année, en France, 630 millions d'euros de produits non alimentaires invendus sont détruits par les entreprises
Les raisons de la destruction de biens de consommation
L'étude met en exergue 3 grandes raisons, différenciées suivant les secteurs :
*Produits défectueux, périmés et non conformes à la réglementation. Cette destruction est essentiellement pratiquée dans les secteurs suivants : vêtements, chaussures, sous-vêtements, jeux et jouets, hygiène-beauté courante, électroménager, linge de maison et décoration. Cependant, certains produits classés comme défectueux ne présentent que des défauts d'aspects et pourraient être reconditionnés. *Produits utilisables en l'état mais pouvant perturber le marché ou nuire à l'image de la marque. Cette destruction est moins pratiquée que par le passé. Elle reste forte dans les secteurs du luxe (acteurs de l'hygiène-beauté et du vêtement de luxe). *Produits recyclables de secteurs ayant une forte tradition du recyclage : livre, papier hygiène, vaisselle-verrerie.
Le secteur du livre : un gâchis important
Ce sont les livres, produits ayant un faible coût unitaire et une forte incertitude sur les ventes des nombreuses nouveautés publiées chaque année, qui constituent une part importante des destructions. Au total, 7 % des livres mis sur le marché seront recyclés en pâte à papier : un pourcentage très largement supérieur aux autres secteurs d'activité dont les destructions pour invendus ne dépassent pas 1 %.
Voici ce qu'a déclaré, aux enquêteurs, un gestionnaire d'invendus dans l'édition : « Dans notre domaine (l'édition),il est difficile de prévoir quels sont les livres qui vont marcher ou non. La part d'invendus est donc importante, supérieure à 20% et la plus grosse partie de ce que nous ne pouvons pas stocker pour le vendre plus tard, on est obligé de le passer au pilon, pour être recyclé en pâte à papier. On n'a pas encore développé d'autre solution, comme le don, car cela serait très compliqué – aujourd'hui on fait des dons mais de façon ponctuelle et à la demande »
Ce gâchis considérable s'explique par la pléthore de livres où les doublons sont légions, où l'actualisation oblige à des rééditions, où chaque auteur veut se faire connaître, se démarquer. En effet, le livre bénéficie, plus que tout autre support d'expression, de l'attention du monde médiatique et intellectuel. Et pourtant, le livre, limité et en partie obsolète, se meurt, face aux formidables capacités (interactivité, réactivité, dématérialisation, richesse et diversité des contenus, portabilité...) offerte par le web.
Le deuxième secteur qui gâche le plus est l'hygiène-beauté.
Le don : un enjeu social et environnemental
Au total, l'étude montre que sur les 6 milliards d'euros des biens de consommation écoulés chaque année hors des réseaux habituels, 140 millions d'euros de produits sont donnés et 630 millions d'euros de produits (soit 6 fois plus) sont détruits. Or, le potentiel de don pourrait pourtant être multiplié par 10.
L'enjeu est autant social qu'environnemental puisque la destruction des invendus génère 5 à 20 fois plus d'émissions de gaz à effet de serre que la réutilisation.
Outre la promotion du don pour les invendus, c'est toute notre modèle de développement qu'il faut repenser. La consommation asservit les Hommes plus qu'elle ne les émancipe tout en souillant durablement notre support de vie. Une voie irresponsable, insensée et sans aucun avenir, pourtant au cœur de presque toutes les politiques actuelles. Faute de décideurs raisonnables, c'est à nous citoyens, de l'être.
Notes : 1) Ensemble des invendus qui n'ont pas pu être valorisés par l'entreprise soit en interne, soit par les canaux habituels de valorisation(soldes et promotions, magasins d'usine, centres de marques, site internet de la marque ou de l'enseigne). 2)Invendus restant après recours aux différents canaux de valorisation des invendus (ventes privées, soldeurs, grossistes en déstockage). Ils peuvent être donnés, détruits, recyclés ou stockés (stockage dormant).