Sciences & Espace : Kappa d’Andromède, une exoplanète photographiée ![Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le télescope japonais Subaru, installé sur le Mauna Kea, à Hawaï, lors
d'un test du laser servant à l'optique adaptative, en octobre 2006. Dans
le ciel, on devine la Voie lactée.Depuis la Terre, à l’aide du télescope Subaru, à Hawaï, une équipe d’astronomes a réussi le très rare exploit d’obtenir une image directe d’une exoplanète. Elle tourne autour d’une géante bleue, Kappa d’Andromède, et elle est de bonne taille : plus de 12 fois la masse de notre Jupiter.Une image, réalisée à partir de deux séries d’observations en
infrarouge
effectuées en janvier et en juillet 2012, vient d’être présentée,
montrant une exoplanète. L’exploit, rarissime, n’est pas mince car la
quasi-totalité des quelque 840
exoplanètes découvertes n’ont pu qu’être mises en évidence indirectement, par la méthode du
transit (une ombre passe devant l’
étoile) ou de la vitesse radiale (l’étoile est très légèrement mise en
mouvement de rotation).
Ici, c’est une véritable image que nous montre l’équipe d’astronomes, dirigée par
Joseph Carson (institut
Max Planck)
qui a utilisé
le télescope japonais Subaru, installé sur le
Mauna Kea, à
Hawaï. Il est vrai que la planète est énorme : près de 13 fois la masse
Jupiter. C’est donc une
géante gazeuse, juste un peu trop petite pour allumer des
réactions nucléaires et devenir une étoile.
Elle tourne autour de
Kappa d’Andromède (ou K And). Cette voisine, à 170
années-lumière, est visible à l’œil nu (loin des villes) dans la
constellation d’Andromède (et non pas, bien sûr, dans la
galaxie du même nom, éloignée de plus de 2,5 millions d’années-
lumière). De teinte bleue, 2,5 fois plus grosse que le
Soleil, elle brille généreusement et est en pleine forme. Les astronomes lui
donnent un âge de 30 millions d’années et la classent comme une géante
bleue. Kappa d’Andromède b (le nom actuel de cette exoplanète) apparaît à
55 UA (unités astronomiques) de l’étoile, soit 55 fois la distance
Terre-Lune, ce qui, dans notre
Système solaire, la placerait au-delà de
Pluton.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]À gauche, l'image (en fausses couleurs) obtenue dans le proche infrarouge (longueurs d'onde entre 1,2 et 2,4 microns), montrant la lumière de Kappa d'Andromède, cachée (par logiciel)
dans le disque noir marqué d'une croix blanche. La tache lumineuse en
haut à gauche est l'image de l'exoplanète Kappa d'Andromède b. L'image
de droite est le résultat d'un calcul sur celle de gauche, dans lequel a
été soustrait le maximum de la luminosité que l'on peut attribuer à l'étoile. Restent le fond de ciel, des traces parasites de la lumière de l'étoile (parent star) Kappa d'Andromède (K And) et Kappa d'Andromède b (K And b)L'optique adaptative, indispensable pour des observations depuis le solPour distinguer la faible lueur juste à côté de
l’énorme luminosité de K And, les astronomes ont fait travailler la
nouvelle optique adaptative de Subaru (
HiCIAO, High Contrast Instrument for the Subaru Next Generation Adaptive Optics) et le
spectromètre à infrarouge
IRCS (
Infrared Camera and Spectrograph).
Il leur a fallu ensuite soustraire la lumière de l’étoile par l’analyse
d’images prises à des moments différents, dans quatre petites bandes du
spectre
infrarouge. Les différences entre les images ont permis de distinguer
la trace lumineuse de la planète. C’est l’imagerie angulaire
différentielle.
Utilisée à partir de 2004 par les Québécois
René
Doyon, David Lafrenière et
Christian Marois, cette technique avait
offert la première image, en 2008, d’un système planétaire autour de
HR-8799, réalisée avec
les télescopes Keck et Gemini, également sur le Mauna Kea. La découverte avait valu à ces astronomes d’être récompensés par le
prix John-C.-Polanyi du CRSNG (organisme de recherche canadien). En 2005,
2M11027b, une
planète géante gazeuse fut la première à se montrer sur une image, grâce au
VLT de l'
ESO, à l'
observatoire du Cerro Paranal, au
Chili.Reste à étudier le spectre de l'exoplanète Kappa d’Andromède bMême si
Kappa d’Andromède b est énorme, la prouesse
est à la limite des possibilités techniques des instruments actuels. La
seule
turbulence atmosphérique interdit de descendre à la résolution nécessaire pour une
telle imagerie. C’est donc l’optique adaptative, qui déforme en temps
réel le
miroir,
en fonction des turbulences constatées, qui offre la résolution
suffisante. Pour cette observation, les astronomes ont bénéficié de la
récente amélioration de l’optique adaptative de
Subaru, passée de 36 à
188 éléments.
La turbulence est mesurée par un faisceau laser
vertical pointé vers le ciel dans la même direction que la zone
observée. On obtient une tache lumineuse, sorte d’étoile artificielle,
dont les fluctuations de luminosité indiquent les corrections à
effectuer sur le miroir.
L’exploit, réalisé avec un instrument nouvellement
amélioré, en promet d’autres. D’après les auteurs, dont l’article sera
prochainement publié (dans
Astrophysical Journal Letters), la
découverte montre déjà qu’une géante bleue peut abriter un système
planétaire. L’équipe va maintenant s’atteler à l’étude spectrométrique
de la lumière reçue de cette
exoplanète pour en comprendre la composition.
Source : Futura-Sciences