La Planète Revisitée : l'expédition rentre de Papouasie-Nouvelle Guinée avec des milliers de spécimens[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La nouvelle expédition de la Planète Revisitée est partie en Papouasie-Nouvelle Guinée explorer la faune et la flore locale.
Depuis leur départ en octobre dernier, les scientifiques de l'expédition La Planète Revisitée ont passé trois mois en Papouasie-Nouvelle Guinée à la découverte de la nature marine et terrestre. Revenus en décembre, ils ont tenu la semaine dernière une conférence pour réaliser un premier bilan de l'expédition, à laquelle Gentside Découvertes était présent. "C'est un renouveau pour les grandes expéditions naturalistes. Un renouement avec l'histoire et la tradition des expéditions d'exploration", explique
Thomas Grenon, directeur général du
Muséumnational d'Histoire naturelle (MNHN).
Mercredi 27 février, s'y tenait en effet la conférence retour de la grande
expédition de
"La Planète Revisitée" co-organisée par le MNHN, Pro-natura
International et l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
Objectif de l'expédition : partir à la découverte de
la Papouasie-Nouvelle Guinée et en explorer les contrées terrestres et marines.
"C'est une opération unique au monde, notamment par le nombre de personnes qu'elle a impliqué", ajoute le directeur. Et pour cause, ce sont pas moins de 200 chercheurs, étudiants, bénévoles de 21 nationalités différentes qui ont participé au projet, très vite rejoints par des centaines de Papous
vivant dans les régions explorées. L'expédition a démarré fin octobre
2012 et a duré au total 3 mois mais elle a été divisée en deux composantes : l'exploration marine et l'exploration terrestre.
La première dirigée par
Philippe Bouchet, professeur au MNHN, est partie à
la découverte des fonds marins du
lagon de Madang et de
la mer de
Bismark située au nord-est de
la Nouvelle-Guinée. De bonnes et mauvaises surprises dans les fonds marins
"La mission a très bien marché mais les débuts n'ont pas été faciles.
Normalement, nos partenaires locaux devaient préparer les populations,
leur expliquer le but de notre expédition. Mais quand nous sommes
arrivés, nous nous sommes rendus compte que nous étions vus comme une
société forestière ou minière. Et puis au fur et à mesure, ça a changé,
les habitants ont compris et tout s'est finalement très bien déroulé",
raconte
Philippe Bouchet. Durant les semaines d'expédition, les chercheurs ont réalisé de nombreuses plongées pour observer la faune et la flore marine jusqu'à 1.200 mètres de profondeur. Et là, ils ont eu autant de bonne surprises que de mauvaises.
En effet, ils ont pu prélever et étudier sur place dans le laboratoire aménagé, une impressionnante collection de spécimens (plus de 8.000 espèces) qui
seront bientôt ramenés en
France. Ils ont également pu photographier un
grand nombre d'animaux, notamment
"des crustacés particulièrement photogéniques".
Mais ils ont aussi fait un constat pour le moins préoccupant : aussi
paradisiaque que
la Papouasie-Nouvelle Guinée puisse paraitre, elle
n'est pas épargnée par les dégâts causés par l'homme.
"On a passé un
coup de chalut à 1.000 mètres de profondeur et remonté des plastiques,
des canettes, des boîtes en aluminium, etc. Ça a eu un impact énorme
quand on a montré ça aux habitants" du
Lagon de Madang, assure l'explorateur.
Plus inquiétant encore : quelques jours avant leur arrivée, une usine de
transformation de nickel a ouvert à
Basamuk et lorsqu'ils ont exploré
"à 600 ou 800 mètres sous l'usine, tous les organismes étaient déjà empêtrés dans des boues rouges de nickel", ajoute t-il. Un phénomène dont les communautés locales n'avaient aucunement conscience, d'autant plus qu'un rapport avait apparemment affirmé que l'usine n'aurait aucun impact sur l'environnement. Les explorateurs n'ont donc pas hésité à faire remonter leurs découvertes aux autorités.
Une récolte de milliers de spécimens de quelques millimètres Du côté de l'expédition terrestre dirigée par
Olivier Pascal de Pro-Natura
International, c'est dans
les forêts du Mont Wilhelm, le plus haut sommet de la région (4.509 mètres) que les explorateurs (au nombre de 60 parmi lesquels 46 Papous) se sont rendus. Le parcours ayant été choisi avec précision, ils ont pu se répartir en petites groupes à huit altitudes différentes pour étudier la faune et la flore des lieux. Mais il faut bien l'avouer, amener 6 tonnes de matériel jusqu'à plus de 3.000 mètres de hauteur n'a rien de simple.
"Nous avons dû embaucher 300 personnes sur le terrain dont 200 porteurs. Et tout s'est déroulé comme prévu. Nous avons installé des camps à chaque altitude et réussi à faire une moisson gigantesque", de plus d'un demi-million
de spécimens de quelques millimètres, explique
Olivier Pascal. Pour cela, les scientifiques ont installé une trentaine de pièges à insectes de six types différents à chaque altitude et récoltés quotidiennement.
Tout ceci dans des conditions pas toujours évidentes.
"C'est une forêt très humide. Sur 25 jours, nous n'en avons eu que deux sans pluie", se souvient
Olivier Pascal. Mais la collaboration avec les scientifiques papous a permis de fournir un
"travail formidable" pour mesurer les changements de la faune et de la flore en fonction des altitudes.
"C'est la première fois qu'un inventaire de ce type est réalisé dans une montagne tropicale", ajoute le responsable du projet biodiversité. Du côté de la flore, c'est
Jean-François Molino, botaniste et écologue de l'IRD qui a chapeauté la mission, aidé d'autres spécialistes, de grimpeurs et surtout du meilleur botaniste de la Papouasie Kipiro Damas. Là encore, le terrain a été divisé en plusieurs parcelles qui ont chacune été
soigneusement explorée.
Une biodiversité extraordinaire Ceci a finalement permis d'étudier pas moins de
1.442 arbres appartenant à
entre
300 et 345 espèces. Et
la Papouasie-Nouvelle Guinée a su montrer
sa richesse : l'équipe a observé 33 espèces d'arbres différentes sur une
seule parcelle, soit un carré de 20 mètres sur 20, à 1.200 m d'altitude.
"A titre de comparaison, dans l'Europe tout entière, il y a une centaine d'arbres autochtones", précise
Jean-François Molino. Côté collecte, l'équipe a ramené des échantillons de 522 arbres, 268 plantes, 2.700 échantillons d'herbier
pour 360 à 400 espèces.
"C'était un véritable éblouissement pour les yeux", témoigne le botaniste. Mais si les explorateurs sont aujourd'hui bien rentrés de leur
"aventure humaine", la mission elle, est loin d'être terminée. Elle ne fait même que
commencer ! D'une part, auprès des autorités et communautés locales :
Philippe Bouchet retournera prochainement en
Papouasie-Nouvelle Guinée
pour présenter les premiers résultats. Et d'autres part et surtout, sur
le plan scientifique. En effet, il reste maintenant à ramener les échantillons récoltés, les étudier, les trier, les répertorier, identifier les espèces déjà connues, celles qui ne le sont pas encore...et tout ceci risque bien de prendre des années.
Une expédition aussi réussie que les précédentes Optimistes,
Philippe Bouchet et ses collègues espèrent se servir de leur expérience dans le domaine pour réduire au maximum la durée du travail. Mais les résultats finaux ne seront pas publiés avant longtemps et les milliers
de nouvelles espèces découvertes devront certainement attendre plusieurs
années avant d'être officiellement décrites. Toutefois, ceci ne fera
assurément que confirmer la réussite de cette nouvelle expédition de la
Planète Revisitée. Car en effet, ce programme n'en est pas à sa première
mission.
Depuis qu'il a débuté en 2006, deux autres expéditions ont déjà été réalisées sur
l'île d'Espiritu Santo dans
l'archipel de Vanuatu, et dans le
Mozambique et en
Madagascar en 2009/2010. Prochaine étape ?
"La Nouvelle-Calédonie peut-être", répond
Philippe Bouchet,
"mais j'aurai aussi pu vous citer 53 autres destinations". Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]