Le "light warlpiri", langue inventée par des aborigènesUne chercheuse américaine a découvert qu’une partie de la population d’un village aborigène australien avait construit de toutes pièces un langage et qu’il l’utilise au quotidien. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une chercheuse américaine a découvert qu’une partie de la population d’un village aborigène australien avait construit de toutes pièces un langage et qu’il l’utilise au quotidien.
Il y avait le
klingon, ou le
dothraki, il y a désormais le
light warlpiri. Des langages inventés mais dotés de règles d’orthographe et de grammaire cohérentes leur permettant d’accéder au statut de véritables langues. Avec une nuance : les deux premières appartiennent à des univers de fiction, respectivement les séries télévisées
Star Trek et
Game of Thrones. Le light warlpiri, lui, est réellement parlé par
les aborigènes de Lajamanu, un village australien de moins de 700 habitants dans
le désert de Tanami, une région isolée du Territoire du Nord.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Localisation de Lajamanu, en Australie.C’est une chercheuse en linguistique de
l’université du Michigan (
Etats-Unis),
Carmel O’Shanessy, qui a fait cette découverte. Elle la détaille dans un
article paru en juin dernier dans la revue
Language de la
Linguistic Society of America.Une invention très récenteElle a commencé à étudier le light warlpiri en 2002 mais, selon elle, ce langage est apparu il y a trente-cinq ans, utilisant des structures d’anglais, de
warlpiri (le langage parlé dans
la région du désert de Tanami) et de
kriol (
le créole australien). En ce sens, il s’agit d’une langue mixte, et non d’un dialecte, avec ses règles de syntaxe propres mais aussi plusieurs curiosités.
La structure verbale du
light warlpiri emprunte à l’anglais et au kriol, quand les noms sont construits à partir du warlpiri. Les mots eux-mêmes puisent aux trois sources. Une approche peu habituelle dans les langues mixtes où, plus classiquement, le vocabulaire dérive d’une langue et la syntaxe d’une autre.
Autre particularité : « Les verbes auxiliaires relèvent de la création d’une toute nouvelle structure, qui n’existe dans aucun des langages-sources, contrairement à ce que l’on constate communément dans les pidgins (langue simplifiée pour permettre la communication entre communautés de langues différentes, ndlr) ou les créoles » note
Carmel O’Shanessy dans son article.
A l'âge adulte, on change de langue !Plus étonnant, le
light warlpiri est parlé par les enfants et les adolescents. A l’âge adulte, les habitants de
Lajamanu passe au warlpiri ou au kriol, tout en continuant de parler le
light warlpiri avec leurs enfants, dès leur naissance, perpétuant ainsi la langue ; l’isolement du village, qui le préserve des intrusions linguistiques, facilite aussi les choses. Selon la chercheuse, la plupart des premiers utilisateurs du
light warlpiri, ceux qui l’ont inventé, sont toujours en vie actuellement.
Carmel O’Shannessy explique que la langue s’est bâtie en deux temps, dans un contexte de départ où les adultes avaient déjà l’habitude de passer d’une langue à l’autre (warlpiri, kriol, anglais) ou de les mélanger. Pratique appliquée également pour communiquer avec leurs enfants. En grandissant, ces derniers ont fait de cette pratique un mode d’expression naturel, l’ont enrichi, lui ont inventé une syntaxe et une conjugaison, pour donner le
light warlpiri. Trois cents cinquante jeunes de
Lajamanu le parleraient. Cerise sur le gâteau, du point de vue scientifique: c’est probablement la première fois, comme le souligne dans le
New York Times Mary Laughren, chercheuse en linguistique à l’université du Queensland en Australie, que des chercheurs peuvent suivre l’évolution d’une langue dans les premiers stades de son existence.
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