Le phénomène est étrange et inquiétant. D’immenses cratères, atteignant pour certains des centaines de mètres, se forment en Sibérie. On en dénombre aujourd’hui plus de 7 000. En cause : des bulles de méthane qui font de gros pschitt !
1,6 km de long, 120 de profondeur. Près de la petite ville de Batagaï, en Sibérie, un gigantesque cratère s’est formé dans la taïga. Situé dans la république de Sakha, en Russie, il est l’un des plus grands trous repérés en Sibérie. En 2014, sept nouveaux cratères ont été découverts dans la péninsule de Yamal, nom qui signifie « la fin du monde ». Au total, on dénombre des milliers de cratères qui ont fait leur apparition dans les terres sibériennes, s’étendant sur 13 millions de kilomètres carrés et très peu peuplées (trois habitants au kilomètre carré).
Réchauffement climatique: cratères en Sibérie
20 mètres de plus chaque année Surnommé « la porte vers un monde souterrain », le cratère de Bataguaï aurait commencé à se former il y a environ cinquante ans. À l’époque, une partie d’une forêt venait d’être rasée près du lieu en question. Depuis, les habitants, qui entendent parfois des bruits sourds émanant du cratère, estiment que ce dernier s’élargirait en moyenne de 20 mètres chaque année… S’arrêtera-t-il un jour de s’étendre ? Mais surtout : quelle est l’origine de ces mystérieux trous ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Vue aérienne du cratère de Batagaï. (Photo : Research Institute of Applied Ecology of the North/Alexander Gabyshev)
Pour en déterminer les causes réelles, un groupe de scientifiques du Centre russe en charge de l’exploration arctique, a décidé d’y descendre. En parallèle, des théories du style ovni, météorite, etc. ont surgi. Hypothèses rapidement éliminées, puisqu’aucune trace d’explosion n’a été détectée. Pour ces chercheurs, la cause de ces trous est le réchauffement climatique. Du méthane Gilles Granjean, adjoint à la direction des risques et de la prévention du bureau de recherches géologiques et minières (GRGM), nous explique : « Dans le permafrost (sol gelé et très riche en matières organiques, aussi appelé pergélisol), des hydrates de méthane se développent (composé chimique qui permet au sol de rester solide). En raison des changements climatiques, ce permafrost se réchauffe et, en se refroidissant, les bulles d’hydrates de méthane, proches de la surface de la terre dégagent des molécules et reviennent à l’état gazeux, ce qui provoque un « pschitt »… Alors, le sol se soulève en créant un bourrelet, puis s’effondre rapidement, créant un trou. »
Un trou qui prend souvent des allures de lac au bout de deux ou trois ans, avec la pluie et la neige. En 2008, les inondations, qui avaient touché cette région de la Sibérie, ont augmenté la taille du cratère, rappelle The Siberian Times.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Les chercheurs prélèvent des échantillons de sédiments dans le cratère pour comprendre son origine. (Image : Research Institute of Applied Ecology of the North)
Un peu partout dans le monde
D’après les dernières études menées par le professeur Julian Murton, un chercheur travaillant pour l’Université de Sussex, les couches les plus profondes auraient un peu plus de 200 000 ans ! Fait incroyable : l’effondrement régurgite régulièrement des restes spectaculaires d’animaux préhistoriques comme des mammouths, des bisons, des élans ou encore des rhinocéros. Une mine d’or pour les paléontologues. Cette « génération spontanée » de trous est spectaculaire, mais ce ne sont pas des cas isolés. On a observé le même phénomène au Canada et en Chine… Le plus souvent dans des zones composées de matériaux solubles dans l’eau comme le calcaire.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Divers « pingos » au Pingo National Landmark dans le nord du Canada. (Photo : Wikimédia)
« Au Canada par exemple, il s’agit du même phénomène mais avec de l’eau, cela porte le nom de « pingo ». De gros glaçons se forment sous le sol et quand il fait chaud, ils fondent, ce qui crée un gros vide et provoque un effondrement du sol », explique Gilles Granjean. C’était l’autre hypothèse majeure pour les cas sibériens. Des phénomènes difficiles à prévenir, « surtout sur un sol aussi dense que la Sibérie », qu’il est impossible de sonder rien qu’en minime partie. L’augmentation des températures a de véritables effets sur la planète, ces cratères en sont des exemples. « Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, il génère un dérèglement climatique », s’inquiète Gilles Granjean. Son impact sur l’effet de serre est en effet environ 25 fois plus puissant que celui du dioxyde de carbone (CO2). Un cercle vicieux, très dangereux pour notre planète, qui s’effrite de jour en jour. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme.
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Les trous géants se multiplient en Sibérie ! By Ouest-france.fr