Les océans, ce champ de bataille ancestral pour micro-organismes[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un colorant marquant l'ADN (du SYBR vert) a été ajouté à un échantillon d'eau de mer prélevé en Californie. Les grosses taches vertes correspondent à des bactéries (diamètre d'environ 0,5 µm). Les petites taches sont des virus.Les bactéries SAR11 dominent les océans depuis plusieurs millions d’années… malgré le rude combat qui les oppose aux virus pélagiphages. Cette invisible bataille titanesque, jusque-là inconnue, revêt une énorme importance car
ces modestes unicellulaires jouent un rôle prépondérant dans le cycle biogéochimique du carbone, donc éventuellement sur le climat.Les
bactéries tiennent un rôle primordial au sein des océans où elles sont présentes en quantité, certaines études estimant en effet leur densité à environ un milliard d’individus par litre d’eau. Elles participent activement au fonctionnement des cycles biogéochimiques, comme celui du carbone, et peuvent donc avoir un
impact sur notre climat, mais aussi sur le fonctionnement de nombreux
écosystèmes tant marins que terrestres.
Les bactéries du
clade SAR11 ont été découvertes en 1990 par
Stephen Giovannoni de
l’université d’État de l’Oregon (
États-Unis). On se rendit alors compte que ces organismes représentent en nombre d'organismes 25 à 50 % des unicellulaires vivant dans les eaux salées du globe. Ils se
nourrissent de matières organiques en suspension et, en retour, libèrent du
dioxyde de carbone (CO
2), de l’eau et des
nutriments, lesquels permettent aux
algues photosynthétiques de produire, estime-t-on, la moitié de l’oxygène libéré dans l
’atmosphère quotidiennement par les océans.
Une autre découverte océanographique majeure fut faite un an plus tôt, en 1989 : les océans de la planète renferment d’importantes quantités de virus. Quatre d’entre eux viennent dernièrement d’être identifiés par
plusieurs collaborateurs de
Stephen Giovannoni dont fait partie
Yanlin Zhao, l’auteur principal de l’article paru dans la revue
Nature. Ainsi, une véritable bataille sous-marine impliquant
les SAR11 serait en cours depuis des millions d’années sans que nous le sachions !
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Cette bactérie océanique SAR11 a été infectée par des virus pélagiphages (ils correspondent aux boules situées à l'intérieur du micro-organisme).
Des bactéries qui survivent grâce à leur compétitivitéContrairement à ce qui a souvent été avancé, les
SAR11 ne sont pas invulnérables, même si elles sont particulièrement
abondantes et répandues. Leurs redoutables ennemis ont été baptisés
pélagiphages, qui exterminent des
millions de bactéries à chaque seconde,. Ce terme cache en réalité deux
familles de virus :
les podoviridés auxquels appartiennent
HTVC011P, HTVC019P et HTVC010P, et
les myoviridés qui incluent
HTVC008M et sa structure caudale contractile.
Des
séquençages ADN pratiqués sur organismes et virus prélevés aux
Bermudes et le long des
côtes de l’Oregon ont été requis pour identifier les belligérants. L’un des virus serait tellement unique qu’un
ordinateur n’a pas réussi, selon
Stephen Giovannoni, à interpréter son patrimoine
génétique.
Une nouvelle sous-famille a donc été créée pour accueillir
HTVC010P. Autre résultat important,
les péliphages seraient eux aussi très abondants.
Les SAR11 devraient donc leur survie à trois facteurs : ils sont compétiteurs, ils capturent le
carbone organique avec efficacité et ils mutent en permanence, ce qui réduit les risques d’infection.
Leur dynamique de population devrait à l’avenir faire l’objet de plus d’attention étant donné le rôle joué par ces organismes dans la capture, le stockage et la
libération dans l’atmosphère du CO2. Cette étude unit en tout cas les deux découvertes majeures faites voici un peu plus de 20 ans.
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